La condamnation d’un Français, en Angleterre, pour un site, installé aux Etats-Unis, jugé " obscène ", est une première. Et le problème posé est immense.
Obscène. Pour le Petit Robert : "Qui blesse la délicatesse par des représentations ou des manifestations grossières de la sexualité ". Pour la justice britannique : 30 mois de prison. De la taule, ferme, pour avoir " blessé la délicatesse ". Franchement, cela laisse rêveur. La crainte de la justice anglaise est de voir les sites pornographiques " obscènes " envahir le réseau. Rassurons la : c’est déjà fait. Et posons une autre question : qui va définir l’obscénité ? Au début du siècle, le simple fait de montrer une cheville féminine était considéré comme obscène. Aujourd’hui, les Japonais sont fans de bondage, les Américains de grosses poitrines, les Africains de postérieurs imposants, etc... Quand un homme ou une femme se promène nu en ville, c’est considéré comme obscène en France ou aux Etats-Unis (et condamnable d’ailleurs pour attentat à la pudeur), et parfaitement toléré dans les villages de Papouasie-Nouvelle Guinée.
D’accord, le site du français condamné n’était pas vraiment de la poésie, loin de là. C’était (c’est) même franchement crade. Et alors ? Il s’agit d’un contenu payant, accessible à des adultes, avec des images représentants des adultes consentants. Pas de pédophilie, qui aurait justifié, bien sûr, l’intervention du juge : de la pornographie dure. Si certains (adultes) ont envie de fréquenter ces sites, chacun son sale goût. Il y en a bien qui vont aux manifs du 1er mai du Front National, sont des fans du lancer de nain ou des accros de Loft Story.
D’après le Guardian, lors du procès, "le juge a déclaré que des peines plus lourdes seraient nécessaires pour éradiquer les canaux de dépravation". La phrase est tragique : éradiquer les canaux de dépravation. Le juge se veut donc le garant d’un certain ordre moral. Dont il fixera lui-même les limites ? Le rôle de l’Etat est d’assurer la sécurité des citoyens, la cohésion sociale, et le bon fonctionnement des services publics. Est-il de rentrer dans les chambres à coucher des citoyens adultes ? On a l’impression qu’en Angleterre, certains aimeraient bien.