Le laboratoire national de Los Alamos (Nouveau-Mexique) abrite une base de données en ligne qui est devenue la manne et le lieu favori de publication des chercheurs du tiers-monde.
Une internationale de la recherche : quand il a créé "The Archive" voici une dizaine d’années, le théoricien de la physique des particules Paul Ginsparg n’en espérait pas tant. Mais cette base de données scientifique en ligne, qu’abrite le Laboratoire national de Los Alamos (Nouveau-Mexique) attire désormais deux millions de visiteurs par an. Pour 2001 seulement, ses responsables s’attendent à recevoir 35 000 propositions de communications scientifiques.
The Archive désenclave la recherche et lui permet d’échapper à ses fiefs traditionnels. Désormais, la science active peut exister au sein d’institutions isolées géographiquement, d’importance réduite et sans grands moyens financiers : "The Archive a libéré les scientifiques du tiers monde de l’obligation de travailler à Princeton, à Pasadena ou à Paris", déclare au New York Times le docteur Jorge Zanelli, professeur de physique du Centre d’études scientifiques de Valvidia, petite ville chilienne à 800 kilomètres de Santiago.
La théorie de cordes
Parmi les bénéficiaires typiques de l’initiative, le New York Times cite l’exemple de Lubos Motl, étudiant en physique praguois secrètement passionné par la théorie des cordes, cette tentative d’unification des forces de cohésion de l’univers. Motl adressa une contribution à The Archive, et les spécialistes de la théorie des cordes furent si impressionnés par son travail que le jeune homme obtint une bourse à Rutgers, l’université d’...tat du New Jersey, où il achève son doctorat.
À Cuba, le docteur Israel Quiros, professeur de physique de l’université centrale de Las Villas, près de Santa Clara, a déclaré au New York Times que The Archive, disponible à Cuba depuis deux ans, était devenue le premier canal de communication de son groupe de travail avec le monde extérieur : l’université de Las Villas ne possède pas de bibliothèque scientifique.
Ce désenclavement à double sens limite les inégalités de traitement entre les communications scientifiques, selon qu’elles émanent d’institutions réputées ou d’obscurs établissements du tiers monde : "Avec The Archive, seule la qualité du contenu d’une communication est déterminante affirme le Dr. Sunil Mukhi, physicien à l’Institut Tata de recherche fondamentale de Mumbai, en Inde. Si bien que les travaux venus de pays lointains ont perdu leur aura "exotique", et j’en suis personnellement très reconnaissant."
Les raisons de cette influence ? Parmi d’autres, le fait que The Archive se consulte gratuitement, alors que l’abonnement à des publications scientifiques se chiffre en centaines de dollars par an. Sans parler de la lenteur d’acheminement des informations sur support papier, qui peut prendre des semaines, voire des mois, à atteindre les points reculés de la planète où des hommes décortiquent l’univers.