Les ingénieurs du centre de recherche IBM d’Almaden ne manquent pas d’ambition. Avec BlueEyes, ils cherchent à développer un petit bijou capable d’anticiper la réaction des gens en fonction de l’expression de leur visage et de leur regard. Objectif affiché : "Créer des ordinateurs qui savent ce que vous ressentez", c’est-à-dire les programmer pour qu’ils apprennent à localiser ce que la personne visée regarde, ce que ça lui fait (en décortiquant l’expression du visage) et ce qu’elle en dit (en analysant sa voix). À terme, il est aussi prévu d’utiliser la souris, le téléphone ou le volant d’une voiture pour analyser les émotions de celui ou celle qui les utilisent et connaître sa température, son pouls, son "activité somatique générale" et ses "réponses électriques épidermiques". Comme le précise le site web de BlueEyes : "D’un point de vue marketing, cela pourrait donner des précisions supplémentaires à un simple questionnaire"...
Vidéosurveillance intelligente...
Grâce à la technologie MAGIC ("Manual Acquisition with Gaze-Initiated Cursor", ou "acquisition manuelle au moyen d’un curseur mû par le regard"), il serait même possible de comprendre ce que veut la personne en analysant là où se portent ses yeux... On peut ainsi se passer de la souris pour ouvrir tel ou tel lien d’une page web. Mais on pourrait aussi mieux cerner les centres d’intérêt de l’internaute, etc. De plus, un système de caméras infra-rouge permet de suivre le regard même quand l’internaute bouge la tête ou porte des lunettes.
Si le projet est à l’étude pour les internautes depuis 1999, on vient d’apprendre que des tests en grandeur nature avaient lieu... dans de grands magasins. BlueEyes, couplé aux caméras de vidéosurveillance "traditionnelles", sert en effet à étudier de très près le comportement de leurs clients : se sont-ils arrêtés devant à telle ou telle promotion ? Si oui, combien de temps ? Si non, pourquoi ? Semblaient-ils satisfaits ou bien indifférents ? Ont-ils acheté ou pas ?
... et fichage commercial
On n’en saura pas plus : le magazine TechReview, qui s’est penché sur la question, rapporte qu’aucun des magasins testant BlueEyes n’a accepté de dévoiler son identité à la presse... Ces échoppes auraient-elles peur de la médiatisation de cette nouvelle manière de fliquer les gens ? Selon Barry Steinhardt, de l’Americain Civil Liberties Union (une association de défense des droits et libertés), "il n’est pas loin le temps où on sera capable, non seulement de savoir combien de personnes se seront arrêtées ici ou là, mais aussi qui elles sont. Une fois identifiées, leurs profils seront recoupés de façon à savoir combien elles gagnent, et ce qu’elles achètent d’habitude. Ce n’est jamais qu’une question de temps."