Le Réseau Voltaire et quatre partis politiques et associations déposent une plainte pénale contre X pour "entrave à la liberté d’expression". Danone, comme d’autres intermédiaires techniques sont visés dans cette affaire sans précédent.
Après David contre Goliath, l’affaire Danone change d’allégorie et pourrait se transformer en Arroseur arrosé : le Réseau Voltaire porte plainte à son tour. L’association défendant la liberté d’expression avait été assignée en justice par Danone pour contrefaçon, en tant qu’éditeur du site jeboycottedanone.net. Elle vient de déposer officiellement, mercredi 2 mai, une plainte pénale contre X pour "entrave à la liberté d’expression, à la liberté du travail", "menace et chantage". La contre-offensive est puissante : outre le registrar Gandi.net et Valentin Lacambre, tous deux assignés par Danone parce que liés à jeboycottedanone.net, les Verts, l’association ATTAC, le Parti radical de gauche et la Ligue communiste révolutionnaire se portent partie civile. Et le Réseau Voltaire a déjà annoncé qu’il rendrait public, jeudi 3 mai, la liste des députés qui se joignent à la plainte. Une cinquantaine de soutiens sont espérés. Enfin, son leader, Thierry Meyssan, a annoncé qu’il lancerait la semaine prochaine un appel aux 2 000 internautes qui se sont exprimés sur les forums de jeboycottedanone et aux 9 000 signataires de la charte du consommateur appelant au boycott. Pour les délits cités, qui portent atteinte à un droit de valeur constitutionnelle, la loi prévoit des peines très lourdes : jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 F d’amende, la privation des droits civiques et d’exercer une activité commerciale.
Attaque par saturation
Qui est visé dans cette plainte ? L’entrave à la liberté d’expression est constituée de toutes les atteintes portées contre le site jeboycottedanone. En premier lieu, Danone, bien sûr, pourrait être inquiété puisque son responsable des services juridiques, en charge de cette affaire au sein du groupe, aurait contacté Valentin Lacambre. Lors de l’entretien, il aurait menacé le gérant bien connu de la société Gandi, chez qui le nom de domaine jeboycottedanone.net a été enregistré. Sont également désignés les prestataires techniques ELB Multimédia et 7 Ways, chez qui le nom de domaine jeboycottedanone.com a été déposé. M. Collignon, directeur de l’enregistrement chez 7 Ways et président de l’association des registrars européens, avait en effet pris la décision de suspendre le site pour des raisons confuses, alors que la décision de justice dans l’affaire Danone contre jeboycottedanone.com n’était pas encore rendue. C’est le lendemain, le samedi 21 avril, que le Réseau Voltaire avait réactivé le site sous l’adresse jeboycottedanone.net. Ce n’est pas tout. Car, selon Thierry Meyssan, le site a été victime d’une attaque par saturation, 60 000 requêtes ayant été adressées dans la seule nuit du 24 avril par une société d’intelligence économique. Une entreprise qui, toujours selon le président du Réseau Voltaire, aurait dans le passé travaillé pour une filiale de Danone. Interrogé sur ce sujet par Transfert, le service de communication de Danone a assuré qu’il n’avait eu recours à aucune société de communication externe, depuis le début de l’affaire du boycott.
Un grand absent
On ne compte parmi les plaignants qu’un seul grand absent : Olivier Malnuit, le journaliste qui a lancé jeboycottedanone.com. Il a refusé de se porter partie civile. Interrogé par Transfert, il a déclaré qu’il ne savait pas vraiment pourquoi et a renvoyé vers son avocat pour cette question "juridique". Bien qu’ayant clamé haut et fort que Danone instrumentalisait le droit des marques, Maître Emmanuel Pierrat trouve la plainte du Réseau Voltaire absurde : "Je pense qu’elle ne sera pas instruite. C’est comme si quelqu’un clamait avoir été violé par le Pape..." Lui et son client ont par ailleurs choisi d’accepter le soutien du Mouvement des citoyens. Tous se retrouveront néanmoins côte à côte le 30 mai, devant le juge qui traitera la plainte pour "contrefaçon", déposée au fond par Danone contre jeboycottedanone (.com et .net). À moins que celle-ci ne soit suspendue par la nomination rapide d’un juge d’instruction pour instruire la plainte pénale contre X...