Un système d’exploitation sur une carte à puce, c’est possible ! Entretien avec Gilles Grimaud, premier lauréat du prix de "la meilleure thèse en système d’exploitation" récompensant la naissance de Camille.
Benjamin Cherrière |
Camille, un système d’exploitation (OS) ouvert dédié aux cartes à puce, a été récompensé par un jury de professionnels représentant les mondes de la recherche (universités, grandes écoles, Institut national de la recherche en informatique et en automatique) et de l’industrie (Alcatel, Gemplus et Microsoft notamment). La remise des prix de ce concours organisé par la branche française de l’ACM (Association for Computing Machinery) s’est déroulée mardi 24 avril dans le cadre des Premières rencontres des sciences et technologies de l’information, à la Cité des sciences de Paris. Interview de Gilles Grimaud, le père de Camille, jeune docteur de l’Université des sciences et techniques de Lille.
Pourquoi avoir choisi les cartes à puce et leurs systèmes d’exploitation comme sujet de thèse ?
Lorsque je me suis lancé, en 1997, le sujet semblait un peu farfelu. Mais c’est justement cela qui m’a séduit et le terrain à défricher. Il a fallu beaucoup inventer.
Peut-on comparer une carte à puce à un ordinateur ?
Les cartes à puce sont de véritables ordinateurs, avec un peu de Ram (1,5 ou 2 ko de mémoire vive), de l’EEProm (128 ko de mémoire réinscriptible) qui joue le rôle du disque dur, et de Rom (mémoire morte) où se trouve le système d’exploitation. Un microprocesseur anime le tout. Finalement la seule différence tient à la quantité d’informations stockables : 100 000 fois moins que sur un PC.
Que reprochez-vous aux systèmes actuellement embarqués sur les cartes à puce ?
On ne peut pas considérer qu’il y ait de véritables systèmes d’exploitation sur les cartes à puce en ce moment, dans le sens où un système est aussi une application. Ils sont conçus pour gérer la carte et pour remplir des fonctions limitées. La carte Vitale, par exemple, est faite pour gérer le dossier médical et les transmissions avec la sécurité sociale. Elle ne peut accepter de nouvelles applications. La multiplication des cartes m’a donné envie de faire ce que j’appelle une carte blanche, c’est-à-dire une carte qui puisse recevoir plusieurs applications. Cette carte pourrait, pourquoi pas, être votre carte bleue, votre carte Vitale et votre carte de vidéoclub.
Quelles ont été les contraintes que vous avez rencontrées ?
Il a surtout fallu gérer la taille de l’OS. Nous nous étions fixé 32 ko comme limite, et finalement Camille ne pèse que 17 ko.
Ce système de carte ouverte, pouvant accueillir de nouvelles applications, ne pose-t-il pas un problème de sécurité ?
Nous avions cet impératif en tête dès le départ. Un système de langage intermédiaire permet à la carte de vérifier elle-même que tout nouveau programme qu’elle charge effectue des opérations conformes, qu’il n’est pas agressif. Un système de preuve, développé en partenariat avec Gemplus, garantit une sécurité optimale. Camille est infaillible.
Vous êtes entré chez Gemplus en novembre dernier. Quelles sont concrètement les applications que l’on peut attendre de Camille ?
La carte blanche, multi-applicative, reste pour le moment une utopie. Principalement à cause des banquiers qui rechignent à partager ce qu’ils considèrent comme acquis. Il faut savoir qu’une carte à puce est vendue quelques francs aux banques. Mais ils vous font payer des assurances. C’est très rentable pour eux. Par contre, on peut imaginer que les banques louent l’espace de votre carte à des partenaires. Telle société de location de voiture pourra mettre son application dans les cartes d’une banque moyennant un loyer. Les clients, eux, bénéficieront de réductions ou d’avantages chez ce loueur de voitures.
Pourquoi avoir baptisé votre système d’exploitation Camille ?
Chez moi, dans les Alpes, on baptise les vaches du nom du saint du jour. Lorsque j’ai su vraiment ce que je voulais faire, que le concept du système était clair, j’ai regardé le calendrier. On était le 14 juillet et comme je ne voulais pas baptiser mon système Fête Nat, j’ai regardé dans un calendrier anglais, j’ai vu Camille. C’est aussi bête que ça...