À l’aube des municipales, des portails privés ont décidé de combler les lacunes des partis politiques. Ils proposent aux candidats l’hébergement de leurs pages web sur une adresse unique. Moyennant finances.
Accroché à son volant, Erick Kaspy essaie de faufiler sa voiture dans les rues embouteillées du vieux Nice, le Psion en équilibre sur sa tablette d’accueil, le portable pas loin. Depuis quelques mois, l’élu méridional troque ponctuellement son costume de conseiller municipal de Valbonne, une commune de la technopole de Sophia-Antipolis, contre celui de VRP. L’objet à vendre est difficilement palpable : l’hébergement de pages web sur politique.org, un portail d’information politique, lancé en juillet et en partie destiné à servir d’arme promotionnelle pour les candidats aux municipales.
Le modèle économique du site repose sur le financement futur des personnalités politiques et des municipalités. La politique comme gage de rentabilité... Hum ? Le projet s’avère complexe mais n’inquiète pas son créateur. « Outre la création de sites, nous allons proposer un service d’aide aux appels d’offres pour les municipalités, avec un accès à des formulaires en ligne. De même, avec la bête noire des collectivités, les assurances. Nous pourrions nous charger de la négociation des contrats. » Comment mettre en œuvre ces prestations et convaincre les politiques ?
« Du fric à la clé »
La réponse est encore floue. C’est pourquoi l’habit de VRP devient soudainement de circonstance pour ce Niçois d’origine, formé à l’école supérieure de commerce de Nice, qui se consacre pour l’heure à sensibiliser les élus. « J’appelle des connaissances, je discute de la campagne avec eux et dans la conversation je glisse “au fait tu as un site internet ?”. » L’appât de départ est une page de présentation gratuite consacrée à chaque candidat sur politique.org. Cette gratuité pose problème : « La commission des comptes de campagne m’a conseillé de faire payer l’hébergement car le service fourni pourrait être assimilé à un avantage en nature », confie l’élu. Résultat : il reste maintenant à avertir la petite centaine de personnalités inscrites depuis l’été que le service sera finalement payant (forfait de 1 000 francs pour la durée de la campagne). Erick Kaspy se défend pourtant de vendre du vent. Il s’adonne tout simplement à « un relationnel » d’un nouveau genre.
En 18 ans de mandat municipal, l’homme a eu l’occasion de nouer des relations avec les responsables politiques de la région. Chef d’une entreprise spécialisée dans l’événementiel, ce patron de 49 ans connaît aussi Internet. En 1995, il lance Cap Cyber, une manifestation qui réunit chaque année les entreprises high-tech de la technopole. C’est là qu’il a présenté pour la première fois son projet. C’est là aussi qu’il rencontre Patrick Walz, patron de Webstore, l’agence qui assure aujourd’hui la partie technique du site. « L’idée m’a tout de suite paru bonne et ça n’est pas impossible qu’il y ait du fric à la clé », assène franchement l’entrepreneur. En attendant une rémunération quelconque et la bonne volonté d’investisseurs potentiels (pour l’instant hésitants), la constitution du portail aura coûté entre 300 et 500 000 francs. Erick Kaspy a sorti de ses poches un million de francs pour financer le projet. Le capital de la société se partage actuellement entre l’élu (70 %), Patrick Walz (20 %) et le directeur commercial, Didier Mary (10 %). Lui aussi est une connaissance de longue date, rencontré sur un stand du salon Cap Cyber. C’est à ce Niçois d’origine (encore un) de 34 ans que revient la dure tâche de convaincre les politiques. Des « clients un peu particuliers », précise-t-il.
À gauche et à droite
Toujours sur la route, Didier Mary parcourt la région en tout sens. La veste suspendue à un cintre à l’arrière de la voiture, l’ordinateur portable dans le coffre et la boîte de vitamines à portée de main, le dir’ com’ prospecte. Pour l’aider, il a recruté trois commerciaux. Sandrine qui œuvre avec lui sur la région PACA, Benoît et Jean-Jacques qui écrêment l’Ile-de-France. Cette équipe commerciale « paritaire » compte deux apparentés de gauche et deux de droite. « Pour se prémunir contre les accusations partisanes », explique Didier Mary, lui-même ancien militant de droite. Mais qu’est-ce qui fait courir ces VRP militants de meetings en cocktails, de réunions privées en conseil de mairie jusqu’au marché du coin pour démarcher les élus ? Benoît (1), 25 ans, « ambassadeur » sur Paris, ne cache pas son attrait pour la rémunération alléchante. Il a découvert l’existence de politique.org lors des dernières Universités d’été du RPR. Une rencontre avec Didier Mary lors d’une présentation officieuse du site de Philippe Séguin, le 22 septembre, a achevé de conclure l’affaire. Depuis le jeune homme gagne en moyenne 25 000 francs mensuels sans les primes. Comment se calcule cet avantage ? « Sur des critères qualitatifs et quantitatifs », explique évasif le dir’ com’. Un commerce comme un autre, finalement !
(1) Qui n’a pas voulu donner son nom de famille.
Ces
élus-là ont un site
|
Villes
Lyon |
Candidats
Charles Millon (DIVD)
Gérard Collomb (PS) Henry Chabert (DIVD) |
|
Nice
|
Jacques
Peyrat (maire RPR)
Patrick Mottard (PS) |
|
Rouen
|
Yvon
Robert (maire PS) |
|
Montpellier |
Georges
Frêche (maire PS) |
|
Rennes
|
Edmond
Hervé (maire PS)
Loïc Lebrun (UDF) |
|
Toulouse
|
Philippe Douste-Blazy (UDF)
François Simon (PS) |
|
Dijon |
François
Rebsamen (PS) |
|