Fred Fauquette et ses acolytes ont présenté, mercredi 28 mars, au FIFI, un travail tirant remarquablement profit de la spécificité du média Internet. Un peu trop tard, hélas.
Fred FauquetteSolveig Godeluck |
Ça commence plutôt drôlement. Un gars à tignasse brune, l’air de sortir du lit, déboule sur la "scène" de cette petite salle du musée de la Mandarine Napoléon - aussi scène qu’une salle de classe peut l’être - et s’excuse : "
Désolé, je suis en retard..." L’autre, celui qui vient de présenter ses œuvres interactives, n’a pas encore quitté la place ; il a l’air aussi étonné que la dizaine de spectateurs présents. "
Ben, chuis Fred Fauquette, c’est moi !"
Le dessinateur et développeur Mickaël Sterckemann, auteur de jolies fresques animées à mi-chemin entre le dessinateur alsacien Hansi et les enluminures moyenâgeuses, était assis depuis une heure derrière un écriteau portant le nom de l’autre. De toute façon, les spectateurs sont tellement amènes, l’ambiance tellement décontractée, qu’on se moque un peu des horaires et de l’ordre de passage des artistes. On a donc tôt fait de rassurer "Fred’Foc", ce mercredi matin : non, nous ne quitterons pas la salle, malgré les dix minutes nécessaires à l’installation de son portable... On est au FIFI, ici, pas à Cannes, comme aime à le répéter Vincy, le président du festival.
Sang en noir et blanc
Fred et ses trois amis d’AnalogiKS IndianS, la société de création web qu’ils ont fondée, il y a six mois, ne concourent pas dans cette édition du FIFI. Motif : retard de dépôt de dossier... Dommage. Car les quatre Nordistes, forts d’un solide bagage technique, sont ceux qui jusqu’ici s’approchent le plus de l’invention du "digima" : leur œuvre mêle animation Flash, vidéo, photo, univers de jeu, interactivité et temps réel. A weird tale of christmas, la première fiction projetée, suit pourtant une trame narrative classique. Quelque part vers la Bretagne, dans la nuit et la brume, à la lueur des cierges, au confessionnal... soudain surgit une tache de sang dans cet univers en noir et blanc. On n’en saura pas plus, parce que Fred, sans nulle commisération, zappe pour passer à autre chose. On aura juste noté l’usage qui est fait de la vidéo, retravaillée avec les logiciels Streamline (pour souligner les contours et vectoriser l’image) puis Flash (pour animer, alléger l’image). Les aplats mobiles, nimbés dans une musique originale inquiétante, créent un univers dramatique à la Comès.
Les toilettes de l’aéroport JF Kennedy
Mais les choses se corsent lorsque les Indians introduisent du jeu en temps réel dans la fiction, avec Manhatte. Ce récit tirant vers le noir et blanc se déroule à New York. Il est inspiré de trois carnets de voyage, un journal intime grossièrement écrit, que l’un des développeurs a trouvés... dans les toilettes de l’aéroport JF Kennedy. Une sorte de trésor moderne. Les artistes sont revenus enquêter sur les traces du mystérieux auteur, entre les gratte-ciel de la Grosse pomme. Ils ont concocté une sorte de fiction jouable à épisodes.
Leur œuvre n’est vraiment pas aisée à aborder. Il faut commencer par lire de longues pages dactylographiées, composées d’après les carnets. Sans ces indications textuelles, on ne peut plus passer à la page suivante. Dans une attention cruelle, les auteurs ont prévu des taches d’encre qui tombent inexorablement sur la page, et qui vous obligent à lancer une nouvelle session de navigation pour retrouver les informations indispensables sur les carnets.
L’espace de discussion d’une future communauté virtuelle commence tout juste à fonctionner au sein du projet Manhatte. Il a la particularité d’être développé sur un serveur XML, et d’être animé en Flash. Chaque participant au jeu symbolisé par une cellule se déplace à la rencontre des autres sur un territoire abstrait. À terme, ce territoire sera une carte permettant d’accéder directement à l’une des parties du site, selon des critères temporels ou géographiques. Un bon moyen d’emmener les copains vivre les mêmes expériences que soi. De plus, les joueurs gagnent des points d’expérience lorsqu’ils fréquentent le site, grâce auxquels ils accèdent à des liens cachés pour les autres. C’est du work in progress. Mais les fouilles des quatre Indiens vont probablement excaver des trésors d’inventivité.