Pour séduire une nouvelle génération de clients plus frileux, les brokers en ligne allemands se mettent à ouvrir des "centres d’investissements" dans les grandes villes.
"Si vous venez chez nous, nous prenons en charge tous vos frais de transfert", explique l’opératrice téléphonique de Consors. Chez Direkt Anlage Bank (DAB), un autre poids lourd allemand du courtage en ligne, on est un peu plus regardant, mais le nouveau client a tout de même droit à une "prise en charge" de 150 marks destinée à couvrir les frais de fermeture de compte chez le concurrent. Bien que promis à une forte expansion, le secteur de la finance en ligne connaît une passe difficile. Ristournes, prises en charge ou baisse du prix des commissions, tout est bon pour élargir sa clientèle. En effet, dans la première catégorie de clients, ceux qui n’ont pas peur d’investir en ligne et connaissent bien le monde financier, presque tous possèdent déjà un compte en ligne. Pour grandir, l’expansion à l’étranger n’est plus suffisante. DAB (Hypovereinsbank), Comdirect (Commerzbank), Brokerage 24 (Deutsche Bank) et Consors, entre autres, doivent désormais convaincre un nouveau cercle de clients potentiels estimé à près de 3,6 millions de personnes. Utilisateurs d’Internet et familiers des fonds de placements et des actions, ces derniers sont néanmoins extrêmement prudents et demandent temps et conseils avant de se décider. Pas exactement le profil du trader en ligne. Le problème, c’est qu’avec les turbulences boursières, les faillites scandaleuses sur le Neuer Markt de Francfort ou encore les incertitudes qui pèsent sur la croissance de l’économie allemande, toutes les conditions sont réunies pour effrayer ces nouveaux clients.
Manque de confiance
Pour les séduire, les courtiers en ligne ont donc développé une double stratégie "on line-off line". Côté on line, on élargit la gamme des produits financiers en proposant des fonds de placement et des assurances-vie. Le conseil en ligne, sur Internet et, depuis peu, sur le Palm, se développe. Côté off line, les courtiers commencent à ouvrir des succursales dans le centre des principales villes allemandes. DAB possède déjà douze "centres d’investisseurs" en Allemagne, qui lui appartiennent ou qui sont hébergés dans les cafés internet de la chaîne de grands magasins Kaufhof. En moyenne, cinq conseillers sont là à disposition du client. Comdirect, pour sa part, va bientôt ouvrir un centre à Hambourg et prévoit d’en ouvrir une cinquantaine d’ici à la fin 2002. À l’avenir, les centres de Comdirect pourraient être partiellement hébergés dans les magasins de Deutsche Telekom, l’un de ses principaux actionnaires. Consors, enfin, n’a pas encore annoncé officiellement de telles implantations. Mais il ne devrait pas échapper à la tendance. "La fonction des centres est purement informative et représentative. De nombreux clients manquent de confiance pour faire des affaires sur le Web. Ils veulent avoir au moins un contact avec un être en chair et en os et voir que DAB s’est aussi du solide, explique Arnella Bock, attachée de presse de DAB. Nos conseillers sont là pour aider le client à mieux comprendre le fonctionnement de notre site internet et pour fournir des informations sur les placements. Mais ils n’ont légalement pas le droit de passer des ordres d’achats. En revanche, chaque centre est équipé de plusieurs terminaux où nos clients peuvent effectuer leurs affaires en ligne."
Paradoxe
Des brokers en ligne qui se mettent off line, la démarche est évidement paradoxale puisque, a priori, c’est l’absence de réseaux et de structures réelles, qui permet à ces derniers d’offrir des prix de courtage avantageux tout en réalisant des marges substantielles. Pour l’instant, il est encore trop tôt pour connaître les retombées de cette nouvelle stratégie. Mais une expérience similaire a déjà été menée avec succès outre-Atlantique par le broker en ligne Charles Schwab qui a doublé sa présence en ligne par l’implantation de 400 filiales sur tout le territoire américain.