A plusieurs reprises, les autorités ont sanctionné des sites Internet. Ainsi, le 13 mai 2000, le gouvernement a suspendu le site China Finance Information Network pour une période de quinze jours et contraint ses propriétaires à payer une amende de 15 000 yuans (environ 2 000 euros). Le journal économique en ligne était accusé d’avoir diffusé des " rumeurs nuisibles à l’image du gouvernement ". Cette condamnation faisait suite à la publication d’un article sur la corruption d’un responsable politique local. De la même manière, le 3 août 2000, les services de sécurité ont déconnecté et interdit le site www.xinwenming.net pour avoir diffusé " des informations contre-révolutionnaires " et attiré une " large partie de la communauté dissidente chinoise ". Les cinq dissidents à l’origine du site sont traqués par la police, mais n’auraient toujours pas été arrêtés. Créé le 29 avril 2000, www.xinwenming.net est le premier site hébergé en Chine à réclamer ouvertement la " réconciliation nationale et la démocratie ".
Les autorités interdisent également l’accès à plusieurs dizaines de sites étrangers, notamment ceux mis en place par la dissidence chinoise. De manière sporadique, des sites d’information sont bloqués quand ils contiennent des dossiers sur la Chine. Les sites d’information de CNN, du New York Times et de la BBC sont régulièrement inaccessibles depuis la Chine. Le 14 avril 2000, par exemple, les autorités ont ordonné la fermeture du site anglophone de l’hebdomadaire Beijing Scene à la suite de la publication d’un article considéré comme " tendancieux ". La version papier de ce titre destiné aux expatriés vivant à Pékin, a été également interdite.
Autre cible privilégiée des services de sécurité chinois : les adeptes de la secte Falun Gong qui utilisent l’Internet pour s’organiser et diffuser les préceptes de leur mouvement. Ainsi, en octobre 1999, Zhang Ji un étudiant de la province de Heilongjiang a été arrêté pour avoir diffusé à l’étranger, via l’Internet, des documents concernant Falun Gong. De même, Li Fujun, un professeur de la province de Henan a été condamné à quatre ans de prison pour avoir publié sur le réseau un essai affirmant que la secte Falun Gong aidait à guérir les maladies. En avril 2000, cinq sites de la secte Falun Gong ont été bloqués durant plusieurs jours par l’envoi d’un flot continu de messages.
Les gouvernements provinciaux jouissent d’une certaine autonomie pour mettre en place des politiques de contrôle de la Toile. Au printemps 2000, les autorités de la province du Hubei ont fait fermer temporairement un site après la mise en ligne d’une information relative à un scandale financier touchant le vice-gouverneur de cette province. Le 8 août 2000, on a appris qu’une vingtaine de provinces et de villes chinoises étaient en train de mettre en place des unités de police Internet pour " administrer et maintenir l’ordre " sur les réseaux informatiques (selon l’agence officielle Xinhua). Leur mission est de censurer les informations anti-gouvernementales, pornographiques ou simplement " négatives ", comme des rapports sur la corruption. Peu de temps après, la première brigade spécialisée a vu le jour dans la province orientale de l’Anhui. Selon la presse officielle, elle a résolu, en quelques semaines, une série de " crimes en ligne ", allant de l’" escroquerie " à la " pornographie ", et a contribué à mettre au point des filtres Internet pour protéger les enfants.
Autre pratique de la police Internet, les descentes dans les cybercafés pour sonder les ordinateurs, ou la fermeture des établissements semi-clandestins. En décembre 2000, une centaine de policiers ont lancé une opération contre le plus grand café Internet du monde. L’enseigne Fei Yu (littéralement " voler dans l’univers ") occupe une bonne partie de la rue située à la sortie de l’Université Beida. Les policiers ont examiné les mémoires de 860 ordinateurs. Bilan : cinquante machines révèlent que des utilisateurs ont visité des sites pornographiques, entraînant leur saisie immédiate et une amende de 30 000 yuans (environ 3 800 euros) pour leur propriétaire. Le patron de Fei Yu, Wang Yue Sheng, âgé de 38 ans, qui est également député explique que " les propriétaires des cafés Internet sont responsables de ce que font les internautes ".
Le 16 mars 2000, la mairie de Pékin avait rendu publique une directive autorisant la fermeture des cybercafés qui ne contrôlent pas les sites visités par leurs clients. Selon le quotidien officiel China Daily, ce texte précise que les internautes ne sont en aucun cas autorisés à " prendre part à toute activité susceptible de mettre en danger la sécurité publique, de troubler l’ordre public ou de s’ingérer dans les droits et les intérêts publics ". A Shanghai, le gouvernement avait fermé, successivement en juin 1999 et en février 2000, quatre cent vingt cybercafés pour absence de licence.
Pour renforcer ses moyens de répression, le gouvernement chinois a établi un cadre législatif très strict concernant l’Internet. En moins d’un an, ce ne sont pas moins de trois lois qui ont été adoptées.
Le texte promulgué le 1er octobre 2000, s’attaque à la participation du capital étranger dans le secteur de l’Internet et au contrôle des opérateurs sur leurs sites. Il prévoit notamment une autorisation préalable du ministère de l’Industrie de l’information pour les étrangers qui souhaitent investir dans ce secteur. Par ailleurs, les responsables des sites chinois sont contraints, sous peine d’amende ou de fermeture, de réviser et de censurer le contenu des informations publiées sur leurs sites. Fait nouveau, ils sont obligés de rapporter aux autorités compétentes toute infraction. Ils doivent également être capables de fournir à l’administration les adresses des internautes qui ont visité leur site au cours des soixante derniers jours. Cette nouvelle réglementation rappelle qu’il est interdit de diffuser sur l’Internet des informations " subversives", des documents qui incitent à la " haine ethnique, à la discrimination, aux superstitions féodales ", qui répandent " des rumeurs susceptibles de provoquer le désordre social ou d’endommager la stabilité sociale ", qui favorisent le séparatisme tibétain ou taiwanais, ou qui traitent " de l’obscénité, de la pornographie, de la violence ou du terrorisme ".
Le Parlement a également adopté, le 6 novembre 2000, un texte sur le contenu des sites d’informations et des forums de discussion chinois. Avec cette nouvelle loi, les sites ne peuvent diffuser que des informations fournies par un média public, c’est-à-dire soumis à la censure et aux contraintes de la propagande. Les informations provenant de médias étrangers ne peuvent être diffusées sur les sites chinois qu’après l’obtention d’une autorisation officielle. De plus, les sites seront tenus pour responsables de la diffusion de toute information " subversive ". L’agence de presse officielle Xinhua a précisé que "personne ne peut diffuser des informations qui vont à l’encontre de la Constitution, mettent en danger la sécurité de l’Etat, sabotent l’unité entre les groupes ethniques et propagent des idées hérétiques, la pornographie, la violence ou toute autre information ". Ces mesures concernent également les forums de discussion. Tout contrevenant à cette nouvelle législation, et notamment les animateurs des sites, risquent une sanction administrative, des amendes ou des peines de prison, selon la " gravité " de la faute. Cette dernière mesure place les sites d’informations dans une situation de dépendance vis-à-vis de la presse officielle.
Enfin, le 28 décembre, une loi qualifie de " cyber-criminalité " et de " cyber-dissidence " la " propagation de rumeurs, la diffamation ou la transmission d’informations nuisibles, l’incitation au renversement du pouvoir d’Etat ou du système socialiste ou à la division du pays. " Le texte prévoit des peines de prison pour " la promotion ou l’organisation de sectes religieuses " et la " fuite de secrets d’Etat ".
Fiche technique :
Population : 1,26 milliard
PIB par habitant et par an : 3 105 dollars
Fournisseurs d’accès à Internet : environ 200
Internautes : 20 millions (chiffre officiel)