Attaqué par une société d’ingénierie informatique en raison d’un site jugé diffamatoire, l’hébergeur gratuit free.fr a été mis hors de cause. Entretemps, il a fermé le site pour un défaut d’identification.
Données
d’identification confidentielles
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Les défenseurs
de la liberté d’expression s’inquiétaient, lors de l’adoption
de l’amendement Bloche, que les hébergeurs fussent dépositaires
des données d’identification des auteurs de sites. Même si
la communication de ces informations (nom, adresse, etc.) est courante dans
la relation hébergeur/hébergé, ils craignaient que
les Multimania et consorts ne les divulguent à des entreprises traquant
les sites de leurs employés mécontents. Dans la décision
Ciriel/Free, le juge a rappelé que ces données nominatives
ne pouvaient être communiquées à des tiers non-autorisés,
sous peine de sanctions pénales. |
Free.fr a gagné en justice mais ne tient pas spécialement à le faire savoir. "
Les voies de recours ne sont pas épuisées", précise son avocat, à propos de l’action intentée contre l’hébergeur gratuit par Ciriel, une société d’ingénierie informatique. Celle-ci avait assigné Free en référé en raison d’un site qu’elle jugeait diffamatoire. Elle demandait au juge d’ordonner la fermeture du site, de condamner Free à payer 50 000 francs de frais de justice et à publier la décision. Elle a perdu : le 6 février, le tribunal correctionnel de Paris a mis Free hors de cause. Entre-temps, l’hébergeur a tout de même fermé le site en question. "
Pour une raison qui n’a absolument rien à voir", tente de justifier le service juridique, apparemment soucieux de ne passer pour un censeur. Free.fr affirme avoir supprimé les pages incriminées parce que l’auteur avait fourni des informations d’identification bidons dans son formulaire d’inscription. D’après le jugement du tribunal correctionnel de Paris, la société "
considère avoir été abusée par la déclaration de fausses coordonnées faite en violation de la loi du 1er août 2000", qui contraint à une déclaration prévue par l’amendement Bloche. C’est, semble-t-il, la première fois que cet argument est utilisé pour justifier la clôture d’un site (lire encadré).
Manque de communication
Filiale d’Altran (société d’ingénierie informatique) installée à Valence, Ciriel s’estimait offensée par un site baptisé cirielus.free.fr. Accessible par un mot de passe, celui était consulté par les employés de la société. D’après un ancien salarié, c’est l’un d’entre eux qui l’aurait mis en place pour pallier un manque de communication. "Ciriel étant une société de conseil, les collaborateurs étaient souvent en rendez-vous à l’extérieur et très peu amenés à se rencontrer", explique-t-il. Un message portant sur des négociations salariales aurait irrité la direction. Un manager s’y trouvait affublé du nom d’un personnage de Disney connu pour être près de ses sous. "Rien de grave", conclut l’ex-employé.
La direction de Ciriel ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet. D’après le juge, qui s’est fondé sur les constats d’huissier produits par Ciriel, le site affichait des propos "manifestement injurieux". Difficile de connaître le fin mot de l’histoire, puisque l’auteur, bien évidemment, s’est gardé de donner signe de vie après la clôture du site. S’estimant diffamée et injuriée, Ciriel portait plainte également pour atteinte au droit des marques parce que son nom était repris dans cirielus.free.fr. La société comptait engager la responsabilité civile de l’hébergeur. Le juge lui a opposé les dispositions de la loi d’août 2000 et l’a condamnée à payer 50 000 francs de frais de justice. Mais il a ordonné à free.fr de lui communiquer les logs de connexion au site incriminé. Ceux-ci lui permettront peut-être de retrouver la trace de l’impudent employé.