...ou comment un chercheur en intelligence artificielle applique à l’ordinateur et au dessin le jeu surréaliste du cadavre exquis.
Julie Krassovsky |
Depuis quelques mois, Alain Grumbach, organise des séances de dessin un peu particulières. Elles ont lieu à l’...cole nationale supérieure des télécommunications (ENST) de Paris, où il enseigne. Le chercheur leur a même donné un nom : le CATI, qui signifie "Création artistique sur toile interactive". La formulation est un peu pompeuse. Elle désigne en réalité des ateliers de dessin sur ordinateurs, mais à plusieurs mains et via des PC installés en réseau. Spécialiste en intelligence artificielle, cet enseignant-chercheur s’est en effet mis en tête d’observer les processus de création en coopération au travers de l’utilisation d’ordinateurs. "
Le procédé n’est pas très original, il s’agit seulement de voir dans quelle mesure l’art peut bénéficier des nouvelles technologies", reconnaît Alain Grumbach.
Cadavre exquis sur ordi
Alain Grumbach s’est inspiré du concept de dessin inventé par les peintres surréalistes et intitulé "le cadavre exquis". Plus simplement, il s’agit d’un personnage dont chaque partie du corps est tracée par une personne différente sans que celle-ci puisse voir ce que les autres ont dessiné. La feuille est progressivement pliée en trois ou en quatre afin de dissimuler l’évolution de la représentation. Seuls les points de contact entre chaque dessin sont laissés comme indice. Tous les enfants se sont au moins une fois prêtés au jeu du cadavre exquis. Alain Grumbach a tout simplement adapté le concept au langage informatique*. L’écran remplace la feuille de papier et la souris le stylo.
Un écran divisé en cases
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Le processus de création s’organise en trois phases avec l’aide de trois participants. Les PC sont bien sûr installés en réseau et l’écran est divisé en neuf cases. Chaque participant se voit attribuer une case qui apparaît sur son écran. Libre a lui de dessiner, à l’aide des outils de l’ordinateur, la représentation de son choix. "
J’ai quand même laissé des marges dans chaque case. De cette manière, les participants peuvent juste voire apparaître les bordures des parties attribuées aux autres dessinateurs. Ce sont les points de contacts qui permettent de donner une unité au dessin", explique le chercheur. Lors de la deuxième et de la troisième phase, les cases sont redistribuées. Au final, on aboutit à la formation d’un dessin unique en faisant disparaître la grille d’élaboration. Le premier dessin en forme de patchwork obtenu de cette façon par le chercheur est plutôt décevant. Mais, "
après quelques séances, on a compris qu’il fallait unifier le dessin par un fond unique et par le choix d’un thème commun. En ce moment, on tente d’harmoniser progressivement une création élaborée à plusieurs mains ", avance Alain Grumbach. Et le résultat s’améliore, comme le montre la dernière réalisation du chercheur.
Si, pour l’instant, Alain Grumbach tient le rôle du chef d’orchestre (c’est lui qui suit l’évolution du dessin et attribue les cases de représentation), ce sera bientôt au tour de la machine. L’homme n’est pas chercheur en intelligence artificielle pour rien. "Ce programme est emmené dans le cadre du groupe inter-écoles des télécoms. À l’ENST de Brest, des étudiants planchent sur la façon dont l’ordinateur pourrait gérer l’attribution des cases aux dessinateurs selon des critères esthétiques."
*Irène Charon s’est occupée de la programmation en Java de Cati, Olivier Hudry a participé aux tests, évaluations et améliorations du programme.
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