Le 6 février 2001, une décision de la cour d’appel de Californie a donné raison à la direction de la prison Pelican Bay. Le célèbre pénitencier demandait l’interdiction pour les détenus de recevoir des e-mails par voie postale.
Non, ce n’est pas une plaisanterie : Inmate Classified, une compagnie californienne, propose aux prisonniers de leur créer une page web sur son site ainsi qu’une adresse internet. Un business comme un autre, qui profite de l’absence de connexion à l’intérieur des prisons. Moyennant une souscription de 50 dollars (plus de 356 F), suivie de l’acquittement chaque mois de 10 dollars (71 F) pour rester en ligne, l’entreprise façonne les pages perso des détenus… Et s’occupe du courrier. Chaque semaine, elle rassemble les mails reçus, les imprime et se charge de les expédier… par voie postale à ses clients dans leur pénitencier de résidence. Les pages web des détenus, disponibles sur le site inmate.com (c’est-à-dire détenu.com) permettent aux prisonniers de recevoir directement les mails des internautes qui souhaitent correspondre avec eux. Mais le manège est loin de plaire aux directeurs de prisons qui s’inquiètent du non-respect possible des normes de sécurité.
Liberté d’expression
En mai 1998, la direction de la prison d’...tat, Pelican Bay, qui compte environ 3 500 détenus, décide d’interdire l’usage de cette correspondance insolite et en informe les prisonniers. Mais voilà, l’un d’eux se rebelle. Aaron Collins, qui utilise le système depuis le début, se met en tête de contester la décision de l’administration. Après une tentative de compromis, il saisit la justice locale, au nom du premier amendement de la constitution qui proclame la liberté d’expression, qu’il estime bafoué par la direction. Contre toute attente, la cour donne raison au détenu en décembre 1999, mais elle classe cependant les mails reçus par courrier dans la catégorie des "missives non-confidentielles" (soumis à une lecture préalable). Pourtant la direction de la prison avait bien préparé son argumentation. À l’audience, la direction fera intervenir Jill Tholl, le superviseur de la section du courrier de la prison, et Michael Menz, un enquêteur de la police de Sacramento, spécialisé dans la criminalité high-tech. Parmi les arguments soulevés : la surcharge de travail engendrée par ces nouveaux envois pour le service de contrôle de la prison, et la facilité avec laquelle l’expéditeur d’un e-mail pouvait déguiser son identité (bien qu’il soit tout aussi facile de déguiser son envoi par courrier classique). Ces raisons ne convaincront pas le juge.
Aaron Collins a pu savourer sa victoire derrière ses barreaux…Pendant plus d’un an. Le temps pour la cour d’étudier l’appel déposé par la direction du pénitencier. Le mardi 6 février 2001, la décision est tombée. Devant la complexité des définitions juridiques des courriers électroniques imprimés, la cour d’appel a cassé le premier jugement. Les envois d’e-mails postaux sont désormais interdits. À moins d’un recours devant la Cour suprême, les matons de Californie ne joueront plus les super-facteurs.
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