Si la course à la vitesse est pour le moment la principale préoccupation des fabricants de microprocesseurs, la chaleur devient une donnée à ne pas négliger. La loi de Moore vit-elle ses dernières heures ?
Julien Chambaud |
"
La chaleur est le premier ennemi du matériel électronique", Chris Hipp, un des responsables de la start-up RLX Technologies, a désigné le principal problème qui frappera les fabricants de microprocesseurs dans les années à venir. La cession californienne de l’International Solid-State Circuits Conference (du 4 au 7 février 2001), grand-messe des spécialistes des semi-conducteurs, est d’ailleurs très largement consacrée à ce sujet. Lors de l’ouverture de la manifestation, Pat Gelsinger, le responsable technique d’Intel, n’a pas caché son inquiétude. Devant une assistance captivée, il a expliqué qu’on pourrait atteindre des fréquences de 20 Ghz dans les 10 prochaines années. Basées sur les architectures actuelles, ces puces produiraient autant de chaleur, proportionnellement à leur taille, qu’une centrale nucléaire. Depuis 30 ans, l’industrie des processeurs vit au rythme de la loi de Moore. Mais le célèbre précepte de Gordon Moore, cofondateur d’Intel, qui veut que tous les deux ans, le nombre de transistors d’un microprocesseur double, risque d’avoir du plomb dans l’aile.
Crusoe pour éviter la surchauffe
Le problème n’est pas nouveau. Il a refait surface lorsqu’un groupe de start-ups, dont fait partie RLX Technologies, a annoncé qu’elles commercialiseraient, au premier semestre 2001, des serveurs utilisant le processeur Crusoe de Transmeta. Non pas pour économiser de l’énergie, mais pour éviter les problèmes de surchauffe. Destiné à l’origine au marché des ordinateurs portables, le Crusoe se découvre de nouvelles vocations. Car en consommant moins d’électricité, la puce de Transmeta chauffe également moins. Mais pour Jean-Paul Colin, directeur du développement d’Intel pour l’Europe de l’Ouest, ce n’est qu’une solution à court terme. "Il faut arrêter de mettre un moteur de F1 dans une Clio. Car plus encore que l’architecture des CPU, c’est celle des ordinateurs qu’il faut revoir. Il est nécessaire de distribuer la puissance de calcul, notamment en travaillant sur la bande passante, au lieu de la concentrer sur un élément du PC."
Le diamant remplace le sillicium
Plusieurs solutions sont envisagées. En premier lieu, il s’agit de simplifier les requêtes des logiciels afin d’éviter les sollicitations superflues du processeur. Si elle ne résout le problème de surchauffe des processeurs, cette solution n’est néanmoins pas à négliger. Des idées plus prometteuses sont à l’étude chez les grands constructeurs. Intel travaille notamment sur une technique consistant à ajouter, au cœur des processeurs, des sous-ensembles dédiés. Ils seraient chargés d’exécuter des tâches spécifiques, et ne seraient donc utilisés qu’à des moments précis. Cette technique, en répartissant le temps de calcul, réduirait les risques de surchauffe. De leur côté, des chercheurs allemands de l’Applied Physic Letters, ont mis au point une technique permettant de substituer le diamant au silicium. Instable à partir de 150°, la silice est un obstacle de plus pour les fondeurs. Le diamant de synthèse utilisé par l’équipe allemande résiste allégrement à des températures proches de 500°, tout en ayant la même conductivité. Les cerveaux vont chauffer dans la Silicon Valley.