Olivier Zablocki est candidat aux élections de la petite capitale de son île, Saint-Martin-de-Ré. Chassé de la liste du maire sortant pour cause d’Internet, le militant fait aujourd’hui campagne seul... et en ligne.
Julie Krassovsky |
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Je pense qu’il faut absolument forcer le débat démocratique à exister localement et l’Internet peut être l’outil idéal pour y arriver." Qui peut bien tenir ces propos éclairés ? Un élu ? C’est peu probable. Un candidat ? Ça se pourrait bien. Un militant ? Pourquoi pas. L’auteur de la phrase magique répond au moins à deux de ces définitions. Olivier Zablocki est webmestre indépendant. Intéressé depuis longtemps par le développement des réseaux de communication locaux, il est aussi militant, fondateur de l’association Radio Phare qui a animé sur son site, radiophare.net, durant toute l’année 2000 des débats sur le devenir du littoral après le naufrage de l’Erika. Mais depuis peu, il est aussi candidat aux élections municipales de Saint-Martin-de-Ré, une petite ville fortifiée de 2 500 habitants, située au cœur de l’île de Ré. La décision, un peu subite, a été largement influencée par une aventure politique dans laquelle Internet a son rôle à jouer.
Un rendez-vous chez le maire
Tout commence lorsque le maire sortant de la commune, Lucien Rieux (sans étiquette) invite Olivier Zablocki à le rejoindre pour les prochaines élections. On est en janvier, à deux mois des échéances électorales, et l’élu peine à constituer sa liste. Les militants politiques ne pullulent pas dans cette bourgade. Pour compliquer la tâche, la liste de l’opposition est formée d’une partie de l’ancien conseil municipal de Lucien Rieux. Le 12 janvier, Olivier Zablocki se retrouve confortablement assis dans le bureau du maire, en présence de deux de conseillers municipaux. "Le maire m’a dit qu’il se représentait et qu’il aimerait bien m’avoir sur sa liste. Nous avons échangé quelques idées. Avant mon départ, il m’a remis les sept questions que lui avait envoyées l’hebdomadaire Le Phare de Ré pour que j’y réfléchisse", explique Olivier Zablocki. Ces questions qui abordent des thèmes de la vie locale ont été soumises, à toutes les têtes de liste par Le Phare de Ré, le principal journal de l’île. Il publie les réponses des élus chaque semaine. La liste en poche, Olivier quitte le bureau du maire, tout disposé à remplir sa mission.
Le site Re-publique ne fait pas l’unanimité
Et pour élargir le débat, le voilà qui décide d’avoir recours au Web. Pourquoi limiter le champ des idées aux seuls élus, se demande fort à propos l’entreprenant internaute ? Deux jours après la rencontre au sommet, il affiche donc les questions sur son autre site, re-publique.net. La page d’accueil, modifiée pour l’occasion, appelle non seulement les candidats à s’exprimer en ligne mais aussi les militants et les habitants intéressés à la vie locale. Satisfait de son inspiration, Olivier Zablocki imprime quelques pages du site et les envoie au maire. Deux jours plus tard, il reçoit le coup de téléphone intrigué de Christiane Birot, en seconde place sur la liste de Lucien Rieux. "Elle m’a d’abord dit que la législation ne m’autorisait pas à faire un tel site. Puis, quand elle a senti que je connaissais la réglementation certainement mieux qu’elle, elle m’a parlé du problème de fond. C’est-à-dire que je ne faisais plus partie de la liste du maire." Débarqué avant même d’avoir intégré le camp de l’élu, Olivier Zablocki s’amuse de la situation. Il s’ordonne même candidat virtuel avant de décider, après mûre réflexion, de se lancer dans la vraie course à l’élection.
Un troisième candidat pour Saint-Martin-de-Ré
Car le nouveau prétendant à la mairie de Saint-Martin de Ré est en fait persuadé que l’existence de son site est la cause de sa destitution. "Les élus n’aiment pas que le débat leur échappe. Le site donne la parole à tout le monde. Je pense qu’ils ne pouvaient pas admettre un même niveau d’information pour les notables et pour les citoyens", analyse Olivier Zablocki. Le maire sortant a-t-il poussé la réflexion aussi loin ? Peut-être pas. Mais l’existence du site semble en tout cas l’avoir légèrement embarrassé. "Pas du tout, répond poliment Christiane Birot. S’il est vrai que le maire a vu M. Zablocki avant l’établissement de sa liste, il s’agissait juste d’une conversation préalable. Apparemment M. Zablocki a cru qu’il faisait partie de la liste et se présentait comme un de ses membres alors que ce n’était pas le cas. C’est pour cela que nous l’avons rappelé pour qu’il n’y ait pas de malentendu." Hum, d’accord, mais alors pourquoi évoquer l’irrégularité du site ? "C’est vrai que la législation est assez tangente. Il avait, de plus, publié sur le site les questions du Phare de Ré qui étaient réservées aux têtes de listes", s’embrouille l’élue. Publiées sur le journal local, les fameuses questions n’ont en effet rien de confidentiel. La destitution d’Olivier Zablocki non plus, puisque le militant a depuis fait connaître, dans le journal de l’île, sa candidature aux prochaines élections et ses mésaventures. À son tour, maintenant, de trouver les volontaires pour faire partie de sa liste...