Le tremblement de terre qui a couté la vie à 20 000 Indiens du Gujurat trouve un écho retentissant dans la presse électronique nationale. C’est encore en ligne que l’anxiété sismique des californiens s’exprime le mieux - et trouve ses solutions high-tech. Et c’est toujours en ligne que les ONG proposent, aux Américains et aux autres, d’aider les victimes d’Ahmedabad.
Dans l’anglais fleuri qui règne sur les médias du sous-continent, le Hindustan Times apostrophe ses lecteurs par le biais d’un sondage-express : "La science est impuissante lorsque la fureur soudaine de la nature la submerge. Êtes-vous d’accord ?" D’un clic, les Indiens ont reconnu la puissance des éléments : Oui : 81,68%. Non : 17,39%. NSP : 0,93%... La question suivante quittait la métaphysique pour retrouver la réalité : "L’Inde doit-elle solliciter une aide internationale massive afin de gérer les secours et l’aide imposés par le séisme ?" La réalité, c’est au Crématorium de Saptrushi, à Ahmedabad, que les reporters de l’Hindustan Times l’ont saisie : Ketan Mahendra Gandhi était revenu dimanche matin de Californie, où il travaille dans une entreprise informatique, pour assister aux rites funéraires de ses deux enfants, écrasés sous les décombres de leur immeuble... Ce même dimanche, Milind Bharatkumar Shah est resté assis sur un banc de pierre, tandis que les bûchers de ses parents brûlaient derrière lui. Outre son père et sa mère, il a perdu ses grand-pères, et deux oncles. Shah était dans la salle d’eau au moment de la secousse. Son père a eu le temps de lui tendre une serviette de toilette et de lui ordonner de filer dehors. "Je suis sorti sans problème. J’ai vu l’immeuble s’écrouler comme un château de cartes. Ils sont morts sous mes yeux..." La famille était réunie pour le mariage de Shah.
Angoisse sismique
Avec un à-propos discutable, la Une électronique du Times of India - autre grand quotidien - tente au passage de tordre le cou à l’un des démons inusables qui asphyxient le pays : "Des officiels désireux d’apporter leur aide mais ligotés par la paperasserie." Le tout, entre la visite sur place de Sonja Gandhi et les 300 millions de dollars promis par la Banque mondiale, plus une infographie sur la tectonique des plaques : un séisme qui terrasse au moins 20 000 personnes, comment ça marche ? En ligne, les réponses accessibles pour un occidental anglophone ne sont pas à chercher en Inde, ni aux alentours du Japon - mais, comme tant d’autres choses, en Californie. Le portail "Surfing the Internet for earthquake data" renvoie à une foule de sites concernant plutôt le géologue amateur ou l’anxieux pathologique. C’est du côté du "Global Earthquake Response Center", que l’offre devient une mosaïque assez surprenante : "Êtes-vous prêt pour la grande secousse ?", renvoie à une check-list affolante de précision, des allumettes en container étanche aux aliments lyophilisés en passant par le savon anti-bactérie et le gril à charbon de bois. De l’information ? Pas seulement. Comme de juste, un lien voisin ouvre sur un vrai supermarché en ligne - tout pour le séisme dans sa version moderne. Ainsi, vous pourrez vous offrir "le Versablock, un harnais de nylon et de Velcro, 7,99 dollars" qui maintiendra votre Macintosh arrimé à son bureau, au cas où Richter monterait sur sa grande échelle. Pour 3,49 dollars de plus, le "Keyboard tether", la laisse à clavier, tiendra le périphérique en place. ...querres en aluminium pour bloquer les meuble-classeurs, ruban adhésif deux faces (pour "plantes en pot, lampes, trophées divers"), à 9,99 dollars le rouleau... À ceux qui se souviennent de la fin de la guerre froide, cette mise en coupe proprette de l’angoisse sismique - non dénuée de fondement - rappellera ces abris anti-atomiques, utilisables comme piscines en temps ordinaire, que tentaient de fourguer alors quelques as du BTP.
Raisons d’exister
Comparés à ces fastes - on trouve sur ce site une page rassemblant des données sur les plus récents séismes, qu’il est conseillé de bookmarker, et un domaine réservé aux enfants, les infos relayées par la Croix Rouge internationale ("Êtes-vous prêt pour un tremblement de terre ?") et par le Quai d’Orsay ("Conseils aux voyageurs - fiches réflexe - zones à risque") feraient pâle figure si, justement, elles ne ramenaient le problème à sa juste valeur. Celle de l’imprévisible. Enfin, et c’est sans doute là que le Réseau trouvera, face à la catastrophe indienne, l’une de ses meilleures raisons d’exister, la plupart des grandes ONG ont ouvert sur leurs sites des pages dédiées au Gujarat - et qui rendent les dons particulièrement faciles...