Quelques jours après le lancement du "label virtuel" d’Universal Music France, Balanceleson.com, la grogne monte du côté de certains artistes et concurrents.
"Balanceleson diffuse du MP3 gratuitement, sans rémunérer ni les auteurs, ni les artistes." Jean-Christophe Lemay, musicien et initiateur, en mars 2000, du Salon des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique libres (Saceml), un site et une liste de discussion consacrés aux droits d’auteur, est furieux. Lui qui pensait avoir trouvé un allié de poids dans sa bataille pour les droits d’auteur en la personne de Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France, est tombé de haut. "Il va à l’encontre de tout ce qu’il a pu dire ou faire concernant le MP3 et la musique en ligne pendant plus d’un an".
Anti-MP3 de la première heure
Rappel des faits. Depuis l’arrivée des Napster, Gnutella, MP3.com et consorts, Pascal Nègre, qui cumule les fonctions de président de la plus grosse major française et de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), a multiplié les déclarations du type : "la musique en ligne doit être payante, il faut sécuriser les téléchargements, les sites de musique sont hors-la-loi". Et, le 15 janvier dernier, voilà que cet anti-MP3 de la première heure lance un site, Balanceleson.com, qui permet aux artistes non signés par une maison de disques de mettre en ligne leurs productions au format MP3. Des musiques mises gratuitement à la disposition des internautes, en téléchargement. À première vue, une chance pour tous les auteurs-compositeurs-interprètes. Tous ? Pas si sûr, quand on regarde de plus près le contrat qu’ils doivent signer avec Balanceleson.
File ta musique et tire-toi
"L’acceptation du présent contrat ne confère aucune garantie pour l’artiste d’obtenir la signature d’un contrat d’enregistrement." Le préambule est clair. Sans surprise. Universal a bien expliqué dès le départ qu’être présent sur le site ne signifiait en aucun cas être signé par la major. "Le présent contrat est un contrat non exclusif de mise en ligne d’enregistrements de l’artiste sur Internet." Rien n’empêche donc les artistes d’aller voir ailleurs, d’autres sites (comme Peoplesound, Vitaminic, FranceMP3) ou d’envoyer des maquettes à d’autres maisons de disques. Les choses se corsent quelques paragraphes plus loin, même si juridiquement, il n’y a rien d’illégal dans les quatre pages de ce contrat. On y trouve tout de même 14 paragraphes liant l’artiste gratuitement - sans aucune rémunération - à Balanceleson, contre quelques malheureuses lignes sur ce que s’engage à faire Universal (promouvoir au mieux Balanceleson et ne pas vendre la musique à des tiers). "Cession gratuite, aucune rétribution, renonce à percevoir", etc. Chaque article concernant l’artiste démarre par ces mots. En gros : donne ta musique et tire-toi, on en fera ce qu’on voudra... comme un CD de promo par exemple. L’artiste doit céder à Balanceleson "le droit non exclusif, à titre gratuit, de reproduire sur tout support phonographique tout ou une partie du contenu, en vue d’éditer une compilation (...) distribuée gracieusement...".
Proposition indécente
Le paragraphe II-2-m du même contrat attire l’attention : "L’artiste garantit qu’il n’est membre d’aucune société de gestion collective de droits d’auteurs, à l’exception, le cas échéant, de la Sacem" ou de son équivalent en Suisse ou en Belgique. Sacem ou pas, de toute façon, comme tout est cédé gratuitement, quel intérêt d’y être... Balanceleson serait en négociation avec la société d’auteurs, mais rien n’est encore signé. Et, comme le précise le contrat, si un accord est conclu, il ne sera vraisemblablement pas rétroactif. Traduction : si Balanceleson et Sacem s’entendent en 2002 ou 2003, les artistes ne toucheront rien avant cette date. Or, dans ses statuts, la Sacem prévoit la rétroactivité sur 10 ans des droits d’auteurs... "Ce que propose Pascal Nègre est purement et simplement indécent au regard de tout ce qu’il a pu dire jusqu’à présent", réagit Jean-Christophe Lemay.
Balanceleblé.com
Il est rejoint dans ces propos par ...ric Legent, fondateur du site FranceMP3, qui a été le premier à signer un accord avec la Sacem. "Je suis très remonté contre Universal", raconte-t-il depuis le Midem de Cannes. "Ils ont passé leur temps à répéter que ceux qui faisaient du MP3 étaient des voleurs et maintenant ils font pareil." Pour protester, ...ric Legent a lancé Balanceleble.com. Une seule page, que du texte, une sorte de comptine acide sur l’attitude d’une grosse major non explicitement désignée... "Ils disent tout et le contraire de tout quand ça les arrange", continue le fondateur de FranceMP3. "C’est juste un clin d’œil, mais le site porte bien son nom..."