Analyste chez Forrester Research, Lars Godell est l’auteur de l’étude Europe’s UMTS Meltdown. Publiée en janvier 2001, elle prophétise une débâcle financière et une concentration des télécoms en Europe.
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Transfert – Vous critiquez le prix élevé des licences UMTS. Pourquoi ?
Lars Godell –
Avec ces licences, les gouvernements vont détruire l’industrie des télécommunications. Comme l’histoire de Winnie l’Ourson, quand on veut à la fois le lait et le miel, on n’attrape rien du tout. Or, en Grande-Bretagne comme en France, les gouvernements voudraient simultanément que les entreprises réalisent d’énormes investissements et qu’elles remplissent les caisses de l’...tat ! Ces deux désirs sont inconciliables. Tout un secteur économique risque de s’appauvrir.
Comment jugez-vous la situation française par rapport à nos voisins ?
Il y a deux indicateurs à prendre en compte pour mesurer les perspectives de revenus des opérateurs : d’abord la croissance du marché local, ensuite l’intensité concurrentielle. Du point de vue de l’intensité concurrentielle, la situation française est moins grave que celle des pays d’Europe du Nord. En France, l’Internet mobile n’a pas beaucoup fait augmenter le nombre d’opérateurs, alors qu’en Norvège, les acteurs sont maintenant très nombreux et rendent le marché instable. Par ailleurs, il y a plus d’utilisateurs potentiels par opérateur en France que dans les petits pays.
Quelles chances ont les quatre candidats à une licence UMTS en France ?
Je pense que les nouveaux entrants ne vont pas survivre [en France, Suez-Lyonnaise allié à Telefonica, NDLR], car ils ont trois désavantages. Un, ils n’ont pas de clients. Deux, ils sont défavorisés en termes de marketing et d’image. Trois, ils vont devoir supporter des coûts très importants pour construire, à partir de rien, un réseau UMTS. Alors que les sortants, eux, peuvent réutiliser les composants du réseau GSM. France Télécom devrait rester en place. Je le classe parmi les cinq survivants de l’UMTS en Europe. Cet opérateur a une grande couverture paneuropéenne et, malgré son endettement, la capacité financière pour tenir le choc. Pour Bouygues, survivre sera très difficile. Quant à Cegetel, son actionnariat est bizarrement structuré, entre Vivendi, Vodafone et BT. Cegetel risque d’être handicapé par les désaccords entre ses deux principaux actionnaires.
Vous expliquez que les opérateurs UMTS auront plus de mal que prévu à réaliser les bénéfices attendus. Pourquoi ?
D’abord, parce que l’UMTS arrivera très tard (voir premier volet du dossier UMTS), retardant d’autant les premiers profits. Sauf dans les grands pays où les coûts de licence sont tellement élevés qu’il faut se dépêcher de déployer les services. Par ailleurs, avec la création d’opérateurs de réseaux mobiles virtuels, qui vont comparer et panacher les offres, la concurrence sera plus forte et les marges diminueront en conséquence. Enfin, l’UMTS va avoir de nombreux concurrents : la technologie sans fil Bluetooth, l’ADSL, les modems câbles, la fibre optique, le LMDS.