Le ministère public a fait appel du jugement du tribunal correctionnel de Paris qui définit le délit de presse sur Internet comme une "infraction continue".
La prescription des délits de presse sur Internet sera-t-elle sauvée par le parquet de Paris ? Le ministère public, en tous cas, a décidé de faire appel du jugement rendu le 6 décembre 2000 par le tribunal correctionnel de Paris, dans l’affaire opposant Carl Lang à l’association Réseau Voltaire. Poursuivie pour diffamation sur son site internet par le secrétaire général du Front national, l’association avait plaidé l’incompétence du juge au nom du délai de prescription. Celui-ci limite habituellement à trois mois toute poursuite pour diffamation ou pour un autre délit de presse. Le Réseau Voltaire avait dû contourner une jurisprudence de la cour d’appel de Paris - l’arrêt Costes - qui considérait la publication sur Internet comme "continue" donc imprescriptible. L’association faisait valoir que le passage incriminé n’était que l’archive en ligne d’un texte déjà publié sur papier, et donc prescrit depuis belle lurette. Le président de la dix-septième chambre, Jean-Yves Montfort, avait rejeté cette argumentation. Il avait également refusé d’appliquer la prescription, au motif que les caractéristiques d’Internet "transforment l’acte de publication en une action inscrite dans la durée" qui résulte de "la volonté réitérée" de l’auteur. Le tribunal avait toutefois relaxé l’association sur le fond en rejetant la diffamation.
Débat très juridique
Le parquet, pour sa part, remet en cause l’application de la notion "d’infraction continue", dont la conséquence est que "le point de départ de la prescription se situe au jour où l’activité délictueuse a cessé". Selon le ministère public, qui a formulé son appel le 18 décembre 2000, cette notion était recevable dans l’affaire Costes. Dans la mesure où l’artiste poursuivi avait prouvé sa "volonté réitérée" en changeant le nom de domaine de son site, sur lequel la publication mise en cause persistait. Rien de tel dans le cas du Réseau Voltaire auquel on reproche de ne pas avoir retiré un texte mis en ligne. Pour le parquet, la question est d’importance. Car incriminer un auteur sans qu’il ait réellement fait preuve d’une volonté réitérée de publication détruit l’équilibre entre le droit des victimes et celui de la liberté de la presse. Aux dépens de la liberté d’expression. Reste à savoir si la cour d’appel suivra cette analyse. Pas évident, dans la mesure où, dans l’affaire Costes, les magistrats avaient appliqué la notion d’infraction continue sans la lier explicitement au fait que l’artiste avait changé de nom de domaine.
La décision du tribunal correctionnel de Paris:
http://www.juriscom.net/txt/jurisfr...
Le Réseau Voltaire:
http:://www.reseauvoltaire.net