En plein cœur du 18e arrondissement de Paris, se dresse une petite boutique pas comme les autres. Visite guidée de Sacré Pain, la première boulangerie qui vend à la fois des croissants et de la connexion ADSL.
Marc Fernandez |
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La baguette est à 4,20 francs et une heure de connexion vous coûtera 40 francs." M.Charrad, le patron, prépare un café pour un client, tout en expliquant le fonctionnement de sa boutique. Sur à peine plus de 100 mètres carrés, se dressent un comptoir de boulanger, avec pain, viennoiseries, sandwichs et compagnie, une grosse machine à café de bar, quelques tables, et, au fond de la salle, une longue planche sur laquelle trônent quatre PC. Bienvenue au Sacré Pain, rue Damrémont, entre la Place Clichy et la Butte Montmartre. "
La première boulangerie cybercafé de quartier", comme aime à le rappeler son fondateur.
"Le Sacré Pain a ouvert en avril 2000. Au départ, je ne voulais faire que boulangerie-sandwicherie, mais j’avais déjà dans l’idée de mettre quelques ordinateurs pour se connecter au Net et ouvrir une partie cybercafé. En fait, plus le projet avançait, plus je me disais qu’il ne fallait pas attendre. Et j’ai mis en place les deux activités en même temps." Quatre PC Pentium IBM, dont un est en panne, une connexion ADSL, un café et le tour est joué. Malgré un tarif relativement élevé, comparé aux 10 francs du géant EasyEverything, la fréquentation quotidienne est bonne. Une quinzaine de personnes viennent passer entre une demi-heure et une heure au Sacré Pain. "La population est hétéroclyte. Nous avons des étudiants et des chômeurs, qui bénéficient de tarifs réduits, des mères au foyer, des artistes, des commerçants. Une grande majorité habitent le quartier, mais comme nous sommes à Montmartre, pas mal de touristes commencent à venir aussi", raconte M. Charrad.
Le commerçant associatif
Marc Fernandez |
La quarantaine, en jeans et blouson, il aime son endroit. Il veut en faire un lieu de dialogue et de convivialité, "
même si beaucoup pensent que le Net isole". Cet ancien chargé de TD en droit à la fac de Nanterre est aujourd’hui conseiller en formation. Il travaille aussi au sein de l’association de réinsertion Liaisons. "
Je suis un associatif qui fait du commerce", répète-t-il sans cesse. Pour lui, les grands cybercafés, comme celui qui vient d’ouvrir à Paris, sont "
des supermarchés du Net. C’est dans l’air du temps". Il ne les critique pourtant pas. "
Ils sont nécessaires, tout comme les petits endroits comme le Sacré Pain, où on privilégie quand même plus le contact humain." Il ne gagne pas encore d’argent avec son cybercafé un peu spécial, mais ça n’a pas d’importance pour le moment. "
Je réponds à une attente des habitants du quartier. Ils viennent faire du Net, c’est vrai, mais ce lieu favorise la sociabilité. Nous allons un peu à l’encontre des effets pervers d’Internet. Les gens se parlent et se filent des coups de mains.
M. Charrad milite même pour que ce type d’expériences très locales se multiplient dans d’autres quartiers du 18e et, pourquoi pas, dans d’autres arrondissements parisiens. "Cette nouvelle activité de cybercafé ancre le quartier dans une logique plus sociale, explique-t-il. C’est une logique d’arrondissement. Il faut un certaine autonomie des quartiers dans ce domaine. Que chacun puisse avoir son propre cybercafé." En attendant, seuls les habitants de ce coin du 18e en profitent. "De 7 heures du matin à 22 ou 23 heures", conclut M. Charrad. Un associatif commerçant, qu’il disait...