Depuis six mois, Greenpeace mène campagne, via un site internet, contre TotalfinaElf pour sa coresponsabilité dans le désastre environnemental que connaissent les régions pétrolifères de la Sibérie orientale. La filiale allemande du pétrolier français contre-attaque et veut faire interdire le site.
Greenpeace |
Des pipes-lines rongés par la rouille, des paysages forestiers inondés de pétrole. Les photos rapportées par la mission estivale de Greenpeace en Sibérie et diffusées sur le Net en disent long sur l’état catastrophique de l’environnement dans les régions pétrolifères russes. Selon un rapport de la branche allemande de l’association écologiste, la vétusté des pipes-lines russes et leur manque d’étanchéité conduit à des déperditions annuelles d’environ 30 millards de m3 de méthane et de 15 millions de tonnes de pétrole brut. Chaque année, les pipelines sibériens connaissent près de 5 000 ruptures plus ou moins graves, 300 d’entre elles conduisant tout de même à des fuites allant jusqu’à 100 000 tonnes de brut. Résultat, toujours selon Greenpeace, le pétrole que personne ne ramasse empoisonne les sols et les nappes phréatiques. Plantes, animaux et êtres humains ne sont pas épargnés. L’espérance de vie des populations habitant les régions pétrolifères serait ainsi passée de 61 à 45 ans ces dernières années.
Un héritage du passé
Hanel/Greenpeace |
Pour lutter contre cette situation catastrophique, Greenpeace Allemagne a décidé de prendre à partie les pétroliers allemands qui importent massivement gaz et pétrole de Russie. "
Même si les pétroliers occidentaux n’exploitent pas directement les champs pétrolifères russes, nous estimons que leur position de clients dominants leur donne le devoir moral et la possibilité d’agir contre cette situation. Nous avons choisi de nous attacher au cas de TotalFinaElf, car c’est le troisième pétrolier mondial et sa filiale allemande est de loin le premier importateur de pétrole russe dans le pays", se justifie ainsi Jörg Feddern, l’un des directeurs de la campagne à la centrale de Greenpeace à Hambourg. Pour l’occasion, un site dénommé Oil-of-Elf a été créé il y a six mois. Au programme : les rapports de Greenpeace sur la situation russe, une galerie de photos de la mission sibérienne ou encore le point sur la campagne contre Elf, entre autres.
Du côté du pétrolier, on était resté jusqu’à présent très discret. Des échanges de courriers ont bien eu lieu entre la société et Greenpeace. Mais tout débat public sur la question a été systématiquement évité. TotalFinaElf estime d’une part qu’il ne lui est guère possible d’intervenir dans le contexte économique et politique russe. D’autre part, que les chiffres et faits avancés par Greenpeace sont totalement irréalistes et ne peuvent constituer une base de discussion : "À ma connaissance, les dégâts écologiques causés par l’extraction du pétrole russe sont pour une grande partie un héritage du passé soviétique.... Je crois que les pertes en pétrole des pipelines de Transneft [l’un des principaux transporteurs russes, NDLR] ne sont pas très loin des normes internationales", déclare M. Tomas Vanicek directeur de Elf Oil Deutschland.
Comme l’Exxon Valdez
Steve Morgan/Greenpeeace |
Pourquoi TotalFinaElf a-t-il attendu six mois pour agir contre le site monté par Greenpeace ? Les écologistes de Hambourg s’interrogent. Toujours est-il qu’en milieu de semaine, les avocats du pétrolier ont envoyé à Greenpeace une injonction visant à faire fermer le site sous peine d’amende. Si Greenpeace refuse de signer, l’affaire ira devant les tribunaux. "
Nous ne signerons sûrement pas, indique Jörg Feddern.
La masse de pétrole qui s’échappe chaque jour des pipelines russes est équivalente aux quantités libérées lors de la catastrophe de l’Exxon Valdez. Pas question de céder aux pressions." En réponse, Greenpeace prévoit de développer son site Oil-of-Elf et appelle à une action de protestation par envoi d’e-mails au pétrolier.