Chargé de mission sur les Formations ouvertes à distance (FOAD) au CUEEP (Centre université économie éducation permanente), Bruno Vanhille a travaillé avec l’équipe de Triselec pour mettre en place Apprend-Tri, le logiciel de formation au tri de déchets accessible aux illettrés. Interview.
Triselec a fait appel à vous pour concevoir le logiciel Apprend-Tri. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Nous avons conçu ce logiciel de formation au tri de déchets en collaboration avec l’équipe de Triselec, deux spécialistes de l’illettrisme et deux réalisateurs. Le point de départ ? La difficulté de réinsérer des illettrés qui n’ont jamais touché à l’informatique. Notre objectif était de proposer un remède à l’illettrisme et de choisir pour cela un support professionnel. Pour le mettre au point, nous avons utilisé des « systèmes de détournement », c’est-à-dire des images et du son. En parallèle, nous avons mis en place des modalités de repérage de l’illettrisme accompagnées d’une prise en charge de ces personnes.
Pour ensuite leur proposer une formation à
Au début, nous avons proposé une formation externe à l’entreprise, dans un centre de formation, mais ce système n’a pas fonctionné. La situation était trop difficile psychologiquement : les personnes concernées ont, elles-mêmes, demandé des cours sur leur lieu de travail. C’est la première fois que nous testons ce type de formation à distance. Pour l’instant, nous en sommes à la phase 2 : des personnes illettrées peuvent-elles apprendre à distance ? Sans avoir les moyens d’apporter une réponse catégorique, je suis plutôt optimiste. La phase 1 consistait à savoir si l’apprentissage par ordinateur était accessible aux illettrés. Nous avons effectué des tests. Et finalement, nous nous sommes rendu compte que leur potentiel était beaucoup plus important qu’on ne l’avait imaginé. S’il y a une personne « ressource » - une sorte de tuteur - une fois l’ordinateur allumé et le système de visioconférence enclenché, il n’y a pratiquement plus de problème. Par ailleurs, nous travaillons sur la sonorisation des textes internet. Mais là encore, nous avançons sur un terrain complètement inconnu.
En proposant ce type d’outils, n’y a-t-il pas un risque d’enfermer ces personnes dans leur illettrisme ?
Justement, sur la question de la sonorisation des textes internet, certains spécialistes émettent des réticences et pensent que ça peut bloquer des personnes n’ayant vraiment aucune notion d’écriture. Je ne suis pas aussi pessimiste, je pense qu’il ne faut en aucun cas contrarier la formation professionnelle. Si les nouvelles technologies le permettent, pourquoi les illettrés n’auraient-ils pas accès à une connaissance plus large ? Pour moi, la question est là. Il faut savoir que la préoccupation première de ces personnes, c’est l’insertion professionnelle. Et c’est ce qui m’a plu chez Triselec : ils ont pris le problème à l’envers, à l’opposé de ce qu’on a l’habitude d’entendre. D’abord l’insertion et ensuite la lutte contre l’illettrisme.
Pour vous, c’est le passage obligé ?
D’après moi, il n’y a pas de chemin obligé, tout dépend de la situation. Pour Triselec, la démarche a fonctionné à plein : il y a eu une augmentation de la qualité et des documents multimédias ont été réalisés par des illettrés.