Après le rachat de Liberty Surf, Bernard Giroud, le président de "old Europ@web" (1), explique pourquoi l’offre de Tiscali - qui avait la préférence d’Europ@web - l’a emporté sur celle de Belgacom, qui avait elle la faveur du PDG de Liberty Surf, Pierre Besnainou.
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Transfert - Pourquoi avez-vous préféré la proposition de Tiscali à celle de Belgacom ?
Bernard Giroud - Quelle que soit la solution adoptée, il fallait accroître la taille de Liberty Surf. Dès lors, il y avait deux stratégies : soit nous allier avec une entreprise concurrente, soit nous allier avec une entreprise complémentaire. Aujourd’hui, Dieu seul sait quelle est la bonne solution. Ce qui est certain, c’est que l’équipe dirigeante de Tiscali s’est avérée la plus combative et la plus convaincante. Renato Soru, le président de Tiscali, et James Kinsella, le directeur général, ont une vraie volonté de faire et la capacité de décider rapidement. Et puis ce sont des indépendants, ils ont donc plus de latitude.
Europ@web et Kingfisher, les deux actionnaires principaux de Liberty Surf, partageaient-ils vraiment la même vision dans cette opération ?
Tout à fait. Nous étions sur la même longueur d’ondes.
Pierre Besnainou était pour sa part plus favorable à un accord avec Belgacom. Il semble déçu par cette décision...
Oui. D’un point de vue "émotionnel", cela peut se comprendre. L’autre solution aurait permis davantage de complémentarité, alors que l’option choisie - Tiscali - revient à accorder deux concurrents. La voie que nous avons choisie est selon moi la meilleure, en particulier en raison de la personnalité de Renato Soru et de James Kinsella.
Renato Soru est resté assez évasif sur le maintien ou non de la marque Liberty Surf. Que dit l’accord signé entre vous et Tiscali ?
Il n’y a pas de solution simple. Pierre Besnainou a construit une marque connue de beaucoup de monde en France. C’est un acquis, c’est en partie ce que paie Tiscali. Tiscali a acheté des abonnés actifs et une marque.
Le projet industriel Liberty Surf a connu une vie médiatique et boursière plutôt mouvementée. Quel bilan en tire Europ@web, qu’y avez-vous gagné ?
Liberty Surf est un acteur de la nouvelle économie. Il a un modèle, une approche qui ont fait mouche et qui vont évoluer. Sur ce dernier point, comme le dit Renato Soru, l’avenir est à l’exploitation du protocole Internet, et il va falloir le monétiser. L’avantage des indépendants comme Tiscali par rapport aux grands groupes de télécommunications c’est qu’il peuvent se permettre d’être agressifs pour développer des offres de téléphonie sur Internet sans mettre en danger une structure existante. Ils sont très bien placés pour proposer de tels services aux entreprises. Le téléphone sur Internet c’est l’avenir, c’est la nouvelle économie, c’est un monde dans lequel nous vivrons dans trois ou quatre ans. Pour revenir à votre question, nous - les investisseurs d’origine - avons gagné de l’argent. L’investissement de départ est récupéré et la plus-value se fera sur la progression des titres Tiscali. Europ@web et Kingfisher feront donc une sortie payante, même si elle est différente de ce que l’on a pu imaginer à un certain moment.
Les petits actionnaires auxquels vous avez "vendu" le modèle Liberty Surf, eux, n’ont rien gagné. Ils ont même beaucoup perdu.
Je le regrette pour eux. Mais malheureusement, c’est le marché qui a décidé, pas nous. Il y a eu un emballement et beaucoup de spéculation. Je crois que de nombreuses sociétés ont causé du tort à la nouvelle économie. Un amalgame a été fait entre les bonnes entreprises et les parasites. Liberty Surf était une bonne société et elle va encore se développer, il lui faut encore un ou deux ans. Mais souvenez-vous de Canal + dans les premiers mois : nombreux sont ceux qui demandaient de jeter l’éponge. Avec Liberty Surf, il y a deux attitudes. Soit les petits actionnaires bazardent leurs titres, soit ils sont patients. Je leur recommande d’accepter l’offre de Tiscali. Et d’être patients, car cela ne se construira pas en deux mois. C’est ce que doit se dire le petit investisseur frustré.
(1) Depuis le 20 novembre, 47 start-ups du groupe Europ@web font partie du "new Europ@web", contrôlé par les groupes Arnault et Suez Lyonnaise. Ont été exclues de l’accord Liberty Surf, E-luxury, Akatechnology et Zebank, qui restent dans le groupe "old Europ@web".