Les premiers Big Brothers Awards français ont récompensé samedi soir les sociétés et les organismes les plus avancés dans la surveillance et le fliquage des individus. Parmi les gagnants, la Sonacotra, le ministère de l’Intérieur, ou la ville de Vaulx-en-Velin.
P-E. Rastoin |
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Et le gagnant est... la Sonacotra !" Sous les applaudissements, un gentil organisateur déguisé en casque bleu tient à bout de bras la sculpture d’organes enfantins emmaillotés dans un sac poubelle - un prix que personne ne viendra chercher. Ainsi s’est ouverte samedi dernier la cérémonie des Big Brother Awards, la première en France (lire
Big Brother vaut bien une grand messe) Pour Simon Davies, directeur de l’association Privacy International, l’entrée du "
pays des droits de l’homme" dans le giron des organisateurs des BBA, prix décernés aux organismes qui s’illustrent particulièrement par leurs méthodes de surveillance, ouvre la voie à la création d’une manifestation internationale.
Souriez vous êtes filmés
Parmi les gagnants de samedi dernier, le ministère de l’Intérieur a remporté le prix de l’administration la plus intrusive pour l’utilisation du STIC (Système de traitement des infractions constatées), fichier administratif interpolice listant crimes et délits sans l’accord du Conseil d’...tat. Le prix de l’entreprise la plus intrusive est revenu à la Sonacotra (Rhône-Alpes) qui aurait "pris l’habitude d’intégrer des mentions illégales dans ses fichiers qui sont transmis aux policiers alors que rien ne l’y oblige". La palme du projet de proximité le plus intrusif est revenu à la ville de Vaulx-en-Velin pour son activisme en matière de vidéosurveillance. C’est Jacques Commaret, ancien adjoint au maire de Vaulx-en-Velin et opposant à la vidéosurveillance qui est venu chercher le prix, en promettant de le remettre à son destinataire. Le label du système le plus intrusif est revenu au logiciel VSIS développé par l’INRIA (Institut de recherche publique en informatique). Ce logiciel de vidéosurveillance étant censé détecter des comportements humains suspects de type "il s’arrête en voyant arriver quelqu’un ou en haut d’un escalator"... Enfin, c’est Sagem Morpho qui a raflé le "prix spécial pour l’ensemble de son œuvre". La société est le leader des bases de données policières et du traitement de signes biométriques personnels. Ses produits gèrent plus de 100 millions de données d’identification de personnes dans le monde. Pour clore la cérémonie, le prix Voltaire de la vigilance est revenu à "Souriez, vous êtes filmés", un collectif anticaméras de vidéosurveillance né à Levallois-Perret en 1995.
Parti pris maladroit
Pour sa première apparition en France, la cérémonie des Big Brother Awards aurait pourtant pu mieux faire. En dépit des interventions intelligentes et posées de Sébastien Canevet, juriste, universitaire, et de Thierry Meyssan, du réseau Voltaire, les organisateurs ont parfois donné libre cours à un parti pris militant maladroit. Autre source d’étonnement : le nombre de cameras personnelles et d’appareils photos occupés à filmer le public au cours d’une cérémonie destinée à souligner les dérives de la vidéosurveillance. À en juger par l’inquiétant palmarès, il était temps que les BBA arrivent en France. Mais les prochains Big Brother Awards français devront sans doute faire preuve d’un peu plus de maturité pour acquérir la notoriété à laquelle ils aspirent.