Sans surprise, quelque 7 000 actionnaires de Vivendi ont approuvé, mardi 5 décembre, à l’issue d’un show présenté par Jean-Marie Messier, la fusion Vivendi-Seagram-Canal +, qui donne naissance à Vivendi-Universal.
Le vote électronique a un mérite : ses résultats sont instantanés. Mardi 5 décembre, au Palais du Louvre, le suspens était pourtant fort mince : à plus de 95 %, le petit peuple des actionnaires de Vivendi a approuvé le projet de fusion Vivendi-Seagram-Canal + que leur soumettait Jean-Marie Messier. Dans la journée, les actionnaires de Seagram avaient fait de même, à Montréal. Plus réticents sur le papier depuis que l’ancien PDG André Rousselet s’est prononcé contre ce mariage dans Le Monde, ceux de Canal +, sont appelés à faire de même le vendredi 8 décembre. Vivendi Universal devrait donc voir le jour le 11 décembre prochain. Le retard pris par la fusion AOL-Time Warner a permis à Jean-Marie Messier de pérorer : "Vivendi Universal va tourner la page du siècle et du millénaire en devenant le leader mondial de la communication. Quel symbole pour nos ambitions futures !"
Auto-congratulation
Debout sur une vaste estrade devant 5 000 actionnaires assis, Jean-Marie Messier avait d’abord récité, sans note, un long discours pré-électoral à la gloire du nouveau-né. Balayant "corporatismes étroits" et "scepticisme ronchon, réflexe tellement français face à l’audace", Messier a mis tout son cœur dans un impressionnant exercice d’auto-congratulation, soulignant que Vivendi Universal "devancera les géants que sont Disney, CBS-Viacom ou le groupe Murdoch-News Corp".
Sous la Pyramide du Louvre, attendaient 2 000 autres petits actionnaires, qui n’avaient pu prendre place dans la Cour Carrée. Ils furent vite assis devant un vaste écran par des nuées d’hôtesses empressées. Las, à tout instant, le son décrochait de l’image, la couleur se faisait la belle. Minutes nostalgie offertes à ces petits porteurs à l’âge souvent respectable ? Le show de "Jean-Marie" prenait des airs de rediffusion des grands instants de l’ORTF. Les plus verts des petits porteurs tiraient alors un bord vers le buffet vide. Osaient une ballade vers les salles du musée. Ou tentaient une percée vers l’aile Sully où se tenait la grand messe. Mais se faisaient immanquablement repousser par des pompiers blafards, inquiets des capacités d’accueil de la structure.
Avenir radieux
Pendant ce temps, après s’être pris pour un producteur, un chef d’orchestre, un écrivain, un général et même pour Aimé Jacquet, Jean-Marie Messier convenait : "Je ne suis ni les uns ni les autres. J’ai juste envie de vous dire ma reconnaissance et ma confiance." Après avoir présenté le "carré d’as" du futur groupe - lui-même, Edgar Bronfman, Eric Licoys et Pierre Lescure - il finit en remettant quelques couches d’avenir radieux : "Vivendi Universal sera une très grande maison, vivante, multiple, riche de talents et de cultures. Une maison fière de son environnement, pleine de musique, de livres, de films...Une maison où il fait bon vivre, échanger, communiquer, s’informer, s’enrichir de connaissances nouvelles. Cette grande maison où il fera bon vivre, c’est vous, actionnaires, qui en détenez la clé. Alors, si vous le voulez bien, tournons cette clé et ouvrons ensemble la porte de Vivendi Universal." Les applaudissement crépitèrent. Sur l’écran incertain, son œil se mouilla. Ne faire qu’une bouchée de la poignée de questions posées depuis la salle par un salarié, un syndicaliste CGT, un "ronchon", un tiers-mondiste et un non-voyant n’était plus qu’une formalité.