La première journée de la Conférence mondiale sport et nouveaux médias, organisée par le CIO à Lausanne, ne parle que d’une chose : l’argent. Heureusement, quelques critiques pointent le bout de leur nez.
Christophe Pilot |
Il y a longtemps, un ancien président du CIO (Comité international olympique) expliquait à son comité exécutif : "
Nous avons fait sans la télévision depuis 60 ans et nous allons certainement continuer ainsi durant les soixante prochaines années." C’est par ce bon mot que Juan Antonio Samaranch, l’actuel président du CIO, a ouvert lundi 4 décembre la conférence mondiale sport et nouveaux médias. "
Comment pourrais-je utiliser les mêmes phrases aujourd’hui ?", poursuit le président qui admet d’emblée que sport et Internet sont désormais indissociables. Dans la salle, la majorité des 700 participants s’accordent à dire que les JO de Sydney ont été les plus médiatisés de l’histoire (20 000 journalistes sur place, deux par athlète). Certains les qualifient même d’e-jeux olympiques.
Internautes ? Non, consommateurs...
Cette conférence marquera sans doute un tournant dans les relations entre le Sport et Internet. "Il est temps de prendre en compte le Net, explique Richard Pound, vice-président du CIO, chargé des négociations des droits TV des Jeux. Et peu importe si certaines personnes considèrent qu’il s’agit pour le CIO de s’enrichir par un nouveau moyen de financement." Quelle idée ! Tout au long de la journée, le mot "internautes" n’a été prononcé qu’une seule fois. Remplacé par le terme "consommateurs" par les différents intervenants (responsables de sites, directeurs de sociétés informatiques, analystes). Voilà qui est clair : l’internaute n’est qu’un porte-monnaie virtuel pour tous ces gens, qui se complaisent dans des chiffres, des tableaux et des statistiques. "Nous avons comptabilisé 230 millions de pages vues et 8,7 millions de visiteurs uniques, s’exclame Laurie Courage, directrice Internet chez IBM. 40 000 billets ont été vendus sur le Net et l’e-commerce a aussi bien marché, tout comme les enchères en ligne." On est content pour eux.
Des contrats pour... 2010
Quelques trouble-fêtes sont heureusement là pour calmer les ardeurs qui envahissent le Palais de Beaulieu. Parmi eux, Peter Clifton, directeur de BBC SportOnline, le site lancé par la BBC en juin dernier. "Il me reste un goût amer des Jeux de Sydney, jette-t-il dès le début de son intervention. Je ne me rappelle pas des médailles. Mais des coups de fil à trois heures du matin, chez moi, de juristes du CIO, me demandant d’enlever de notre site les anneaux olympiques ou de supprimer une séquence vidéo de quatre secondes. "Vous transgressez les règles, me disaient-ils. Faites attention, sinon la BBC dans sa totalité en pâtira."" Un ange passe dans la salle.
Pourtant, Peter Clifton pose là encore la question essentielle : "Quand allons-nous signer des contrats Internet avec le CIO ? Tous les acteurs doivent travailler ensemble en vue de parvenir à un accord." Celui-ci n’interviendra pas avant un an ou deux, pour les Jeux de... 2010. Les contrats de diffusion pour les Olympiades de 2004 et 2008 sont déjà signés et ne prennent pas en compte Internet. Pas étonnant quand on écoute un membre de la commission radio-télé du CIO, Alex Gilardy : "25 millions de personnes ont utilisé Internet pendant les 17 jours de compétition, et des milliards ont regardé la télé (en audience cumulée, NDLR). Pour moi, Internet c’est encore des jeunes en jeans et en tee-shirt." Combien de temps mettront les honorables membres du CIO à troquer la cravate pour des jeans s’il s’avérait que ce relookage peut leur rapporter gros ?