Un éditeur de logiciels voulait obtenir l’identité des auteurs de mails anonymes qu’elle estimait diffamatoire. Une cour du New Jersey a refusé sa demande.
La victime d’une diffamation doit prouver qu’il y a préjudice pour exiger de connaître l’auteur d’un mail anonyme. Cet avis du juge MacKenzie, de la cour supérieure du New Jersey, a réjoui les défenseurs de la liberté d’expression et notamment l’Union américaine pour les libertés publiques (ACLU), rapporte l’édition électronique du Wall Street Journal. Le tribunal a débouté l’entreprise Dendrite International, éditeur de logiciel de e-commerce. Celle-ci voulait obtenir l’identité des auteurs de deux courriers électroniques qui utilisaient un compte mail ouvert sous pseudonyme sur Yahoo !. Les messages, postés sur des forums, étaient jugés diffamatoires par la société, dans la mesure où ils annonçaient que Dendrite International avait truqué ses résultats financiers pour faire apparaître de plus gros bénéfices. Quatre personnes ayant posté des messages sur ce thème, l’entreprise avait pu contacter deux des auteurs. Mais Dendrite International tenait à identifier les deux autres, émetteurs anonymes, parce qu’elle les soupçonnait d’être des salariés de l’entreprise.
Principe de proportionnalité
Le juge n’a pas voulu autoriser Dendrite International à réclamer des données d’identification à Yahoo !, "alors que ce type de demande judiciaire relève de la routine", commente le Wall Street Journal. Le magistrat a fait valoir que la société n’avait pas su apporter la preuve qu’elle avait subi un préjudice. Il s’est appuyé sur le 1er amendement de la Constitution qui garantit le droit à l’anonymat dans certaines conditions. "Il a appliqué un principe de droit très américain qui s’appelle la proportionnalité, commente le juriste Sébastien Canevet. Dans la balance, il a mis d’un côté la liberté d’expression et de l’autre le dommage subi, puis il a jugé." Pour les associations comme l’ACLU, cette décision va dans le sens de leurs revendications. D’après elles, "l’expression anonyme sur le Net doit être garantie, à moins que les entreprises ne parviennent à prouver l’existence d’un préjudice financier", raporte le Wall Street Journal. Un succès assorti d’un bémol : le jugement ne s’applique que dans l’Etat du New Jersey.