Naspster est définitivement rentré dans le rang. Reste Gnutella, FreeNet et des dizaines d’autres sites de recherche et d’échanges de fichiers...
Quelle a été la première réaction des internautes adeptes du partage de fichiers, quand, le 26 juillet, la juge Patel a sommé Napster de fermer son site ? Certains se sont précipités pour répandre des versions alternatives du logiciel, les Opennaps. D’autres ont haussé les épaules avec indifférence : Naspter mort, il leur restait Gnutella, FreeNet et bien d’autres sites de recherche et d’échanges de fichiers. Bref, la fermeture - finalement annulée - du site basé à San Mateo (Californie) a surtout prouvé que les internautes peuvent très bien se passer de lui. À l’avenir, il y a des chances pour que ses utilisateurs l’abandonnent définitivement.
Pourquoi ? Parce que, paradoxalement, Napster n’a jamais autant été en quête de légalité : le 24 juillet, l’entreprise annonçait un accord de partenariat avec la société LiquidAudio. Cette décision est cruciale, car LiquidAudio a mis au point un logiciel de distribution musicale respectueux du copyright. À terme, cela signifie que Napster a en tête d’abandonner l’échange gratuit et de rendre ses services payants. Ce n’est pas une surprise : on sait que Hank Barry, le PDG de Napster, planche depuis un moment sur la possibilité de faire payer un forfait mensuel à ses utilisateurs. En un mot : Napster-le-dissident, s’il a un jour existé, est déjà mort. Et deux des cofondateurs de la société californienne, Bill Bales et Adrian Scott, de claironner aux médias : « On ne peut échapper au système, c’est ce que l’expérience Napster nous a appris. » Eux se sont d’ailleurs recyclés dans FlyCode, une firme d’échanges de films et de vidéos parfaitement légaux.
« ...duquer » les futurs
consommateurs
Mais qu’il meure ou se range, Napster n’est jamais que l’arbre qui cache l’immense forêt de l’échange de fichiers (swap file, en anglais ; peer-to-peer, en langage netéconomique). Car il y a bien longtemps que ne courent plus seulement des fichiers musicaux sur la Toile. Des milliers de films, compactés au format DivX, galopent sur le logiciel Scour Exchange, dont Hollywood essaye désespérément d’avoir la peau. Les jeux vidéo s’échangent comme des billes dans une cour de récré sur RomNet, mis au point dernièrement par un étudiant de Philadelphie. Quant à l’association des éditeurs américains, elle a mené en août une grande campagne pour « éduquer » les futurs consommateurs d’e-books, sachant que les cyber-bouquins ont des chances de subir le même sort que les fichiers MP3. Le système de recherche et d’échange de fichiers est devenu une composante incontournable de la vie des internautes, quasiment au même titre que l’envoi d’e-mails ou le détour par les chats.
Bannières publicitaires
« Je ne crois pas qu’une stratégie visant à supprimer quelque chose d’impossible à supprimer puisse fonctionner », lapalissadait récemment Andy Grove, ex-PDG du géant des microprocesseurs Intel. Effectivement, car certains systèmes sont d’ores et déjà impossibles à contrôler. Gnutella, par exemple, est un logiciel dont le code-source est en en libre accès, ce qui signifie que chacun peut le reproduire à sa guise. Résultat : il n’y a pas un, mais des centaines, des milliers de Gnutella sur la Toile, totalement décentralisés, virtuellement imprenables. Quant à FreeNet, c’est un logiciel qui garantit à ses utilisateurs un anonymat total. « FreeNet est conçu pour rendre la censure inopérante », explique Ian Clarke, le créateur de ce réseau qui empêche toute tentative de vérification, a fortiori de fermeture des sites.
Les rebelles de la gratuité auraient-ils gagné la guerre ? Que reste-t-il aux défenseurs du copyright, hormis leurs yeux pour pleurer ?
Peut-être des idées. Histoire d’aller piocher quelques sous - ou plus - dans l’énorme manne de consommateurs de l’échange de fichiers, notamment par la publicité. Sur Internet, chassez le publicitaire par la porte, il revient par la fenêtre. Ainsi, la firme israélienne EverAd a conçu un logiciel permettant d’adjoindre des bannières publicitaires aux téléchargements musicaux. De son côté, l’Américain Digital Payloads a mis au point l’introduction de jingles publicitaires dans les fichiers MP3 et vidéo. On imagine l’aubaine que pourraient représenter ces procédés pour un Napster en quête de légalité...
Trouver la parade
Et pour Gnutella et consorts, qui persisteront dans leur refus de rentrer dans le rang, il existe déjà autre chose : ShareZilla, mis au point par la société FlatPlanet, propose aux annonceurs de capter toutes les requêtes Gnutella et d’y glisser un message publicitaire. Exemple : l’internaute recherche la chanson Satisfaction, des Rolling Stones. Lui revient un fichier MP3 baptisé « Lisez Transfert - Satisfaction ». Et cela, naturellement, à l’insu de celui qui gère le site. Lequel va bientôt trouver une parade, rapidement contournée par le publicitaire, etc., etc. Jusqu’à ce que, dans un avenir proche, le partage de fichiers soit définitivement dépassé.
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