27/11/2000 • 16h05
Elections US : Homme contre machine
Une élection américaine est toujours fascinante. Elle nous apprend beaucoup sur ce pays pour lequel nous, Européens, ressentons un mélange de fascination et de répulsion. Cette fois-ci, la pagaille électorale a souligné un fait intéressant : les Démocrates croient dans les hommes, les Républicains dans les machines.
Ce n’est pas une plaisanterie : regardez la polémique floridienne. Les Démocrates d’Al Gore demandent un comptage manuel des votes, soulignant que le système automatique pouvait se tromper, notamment en annulant des votes exprimés par milliers. Explication : pour voter, il fallait faire un trou très net face au nom du candidat ; or ce n’était pas toujours facile de bien savoir ou faire le trou, comme de faire un trou suffisamment net. C’est ainsi, plaident les Démocrates, que l’extrémiste de droite Buchanan a récupéré plus de 4 000 voix dans une zone où il n’aurait dû faire que quelques dizaines de suffrages : elle est principalement habitée par des retraités juifs. Buchanan lui-même a reconnu l’anomalie. Donc, continuent les Démocrates, si on reprend les bulletins un par un, à la main, on verra quelle était réellement l’intention du votant. Et on créditera le candidat pour qui il voulait réellement voter.
Pas du tout, objectent les Républicains : le système de vote est le même pour tous, et si certains ne savent pas s’en servir, tant pis pour eux. Après tout, faire un trou face à un nom n’est pas compliqué, et tout ce qui compte, c’est où se trouve le trou. Ne laissons pas le jugement subjectif d’un humain entrer en ligne de compte. Seule la machine doit faire le tri, quitte à annuler par milliers des votes mal exprimés. C’est le jeu. Si certains ne connaissent pas bien les règles, c’est la vie.
Passionnant. La machine ou l’humain comme juge de paix ? Les Républicains, sans doute parce que cela les arrange, ont choisi la machine. Les Démocrates, sans doute parce que cela les arrange, ont choisi l’humain. Demain, si les votes se passent par Internet, les débats risquent d’être encore plus compliqués, car il deviendra presque impossible de recompter à la main. La polémique ne sera pas impossible. Elle sera juste encore plus compliquée à dénouer.
Reste la situation actuelle qui fait un peu, il faut l’avouer avec une totale mauvaise foi, penser à la position de Georges W.Bush en tant que gouverneur du Texas : pour l’instant, quand on parle de peine de mort, il a toujours été pour la machine...
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