Ambiance franchement agitée, jeudi 2 mars, dans la rue du Faubourg du temple. Normal, Chirac s’était arrêté au n°18 pour visiter Republic Alley : un immeuble abritant 14 start-ups du Net.
Il
est 16 h 15, ce jeudi 2 mars et la rue du faubourg
du Temple, encore vide cinq minutes plus tôt,
sanime soudainement. Les curieux sagglutinent
en face du Gibus. La voiture de Jacques Chirac arrive.
Le président vient visiter Republic Alley,
un immeuble de six étages abritant 14 start-ups,
symboles du boom de la Net économie. Chirac
déambule sagement dans les locaux à
la suite de Laurent Edel (fondateur de Republic Alley
et petit-fils de la propriétaire de limmeuble),
visiblement aux anges.
Deux start-ups chanceuses accueillent le président
dans leurs bureaux exigus : newsfam.com, un portail
féminin, et tradingcentral.com, un site de
recommandations boursières en direct. Un peu
intimidé, Alain Pellier, le patron de Trading
central, vante les mérites de la France en
matière de nouvelles technologies avec un bémol
: "On se débat avec la fiscalité
française." "Vous nêtes
pas le seul
" acquiesce Chirac avant
de sétonner quand le patron lui explique,
quen plus, il gagne de largent : "Ah
bon, parce que les autres sociétés nen
gagnent pas ? " Surprise, pour le président
qui découvre les étranges business models
du startupien de base. Startupien dailleurs
surmené, mais heureusement il y a les stocks-options,
"inévitables" de lavis
de Chirac.
Interro au tableau
Convivial, Chirac se charge ensuite de passer en revue
chaque membre de léquipe de Trading central.
Dans une ambiance très "interro au tableau",
chacun se présente un peu intimidé.
Mais le président détend latmosphère
de ses questions dusage : vous travaillez ici
depuis combien de temps ? quelle est votre formation
? quel âge avez-vous ? Le tout accompagné
de commentaires éclairés : "Ha
cest bien ça, cest passionnant,
cest une équipe jeune." Un peu plus
tard, lambiance tourne même à la
rigolade. Question de Chirac à lun des
jeunes traders : "Vous êtes là
depuis combien de temps ?" Réponse
: "Deux jours
" Chirac : "Ha,
ha". Et Alain Pellier dajouter "cest
un figurant".
On clôt la conversation, pour diriger Jacques
Chirac vers la dernière étape du voyage
: la rencontre avec les fondateurs des quatorze start-ups.
Là, re-belote, le président repose les
mêmes questions et obtient les mêmes réponses.
Seul reproche, avancé timidement par les jeunes
patrons, le manque de formation pour les techniciens
informatiques. Chirac approuve, tandis que Laurent
Edel achève le tour de table en vantant les
mérites de tout ces jeunes startupiens heureux
et imaginatifs travaillant darrache-pied, trois
fois 35 heures par semaine. Après une photo
de famille, Chirac repart avec les emblèmes
de Republic Alley : une veste en peau de mouton retournée
et un tee-shirt avec le nom de limmeuble. Une
visite sans encombre pour constater que tout va pour
le mieux dans le meilleur des mondes. "Cétait
passionnant, pas une seule récrimination. Cest
la culture dentreprise de demain" a
dailleurs commenté pertinemment Jacques
Chirac.
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J. Krassovsky / Transfert
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Après une visite chez newsfam.com,
cest au tour de Trading
central (un site spécialisé dans
la recommandation boursière en ligne) daccueillir
le grand homme. Laurent Edel (fondateur de Republic
Alley) se charge des présentations. On se serre
la main chaleureusement. Alain Pellier retrace la
création de sa société et ajoute
en fin de parcours : " Je vous montre un peu
?" Une proposition aussitôt évincée
par Laurent Edel qui lance : "Aujourdhui,
vous recommandez quoi comme action ?" Le
jeune homme serait-il chargé déviter
tout contact du président avec le mulot ?
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J. Krassovsky / Transfert
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Conscient du timing, Laurent Edel presse le président
vers la suite de la visite. "Je vais vous
montrer mon bureau, jai une très belle
vue." Dans le couloir, il lentretient
avec ardeur de son projet dincubateur.
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J. Krassovsky / Transfert
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En chemin, le président papote avec Sarah Edel,
propriétaire de limmeuble et grand-mère
de Laurent. Maligne, la charmante vieille dame ne
perd pas une occasion de dire combien elle les aime
ses petits startupiens. "Laurent cest
le plus brillant alors, cest votre préféré,
non ?" questionne Chirac. "Oh, je
suis fière de tous mes petits-fils"
rougit la grand-mère.
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J. Krassovsky / Transfert
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Trêve de bavardage, la réunion avec les
présidents des 14 start-ups attend encore Chirac.
On se passe le micro, les patrons se présentent.
La plupart ont des formations bien éloignées
de leurs activités présentes. Chirac
sétonne : "décidément,
tout mène à tout". Le vocabulaire
fuse : de B to C en B to B en passant par lévocation
de vente en temps réel, Chirac semble un peu
perdu. Toujours souriant il ponctue la conversation
de ses trois questions favorites (Vous travaillez
ici depuis combien de temps ? quelle est votre formation
? quel âge avez-vous ?). Jean-Baptiste, le patron
de K-Mobile, (portail de service Internet sur mobiles)
avance : "moi, jai une formation dingénieur
télécom". Chirac exulte : "ah,
voilà enfin quelquun de normal".
On revient en terrain connu.
Laurent Edel conclu la réunion par une envolée
sur le dynamisme de ses start-ups, limagination
débordante des créateurs dentreprise
etc. Devant tant de bonheur Chirac lance : "Mais
il peut quand même encore y avoir des ratés.
Parmi les entreprises présentes ici toutes
ne seront pas les meilleures sur le marché
?". Laurent Edel évite de répondre.
Pas un seul nuage ne pourrait venir assombrir le ciel
éclatant de sa Republic Alley ?
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J. Krassovsky / Transfert
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Un petit tour sur lordi quand même avant
de partir. Attention, surtout ne toucher à
rien...