Carl Lang, le secrétaire général du FN, attaque une association pour diffamation. Il s’appuie sur une jurisprudence récente qui considère comme "permanente" la publication sur le Net.
Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour voir un responsable du Front national utiliser, à son profit, une jurisprudence obtenue au nom de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Secrétaire général du FN et élu lepéniste infatigable, Carl Lang espère bien bénéficier, mercredi 8 novembre, du caractère imprescriptible de la publication en ligne, principe édicté en décembre 1999 par la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation ayant provisoirement refusé, en mars dernier, de se prononcer sur la question.
L’élu FN porte plainte pour diffamation auprès du tribunal de Paris contre le Réseau Voltaire. L’association qui milite pour la liberté d’expression avait publié une notice biographique sur son site internet (elle est toujours en ligne) qui évoquait la position de Carl Lang à l’égard de Bruno Mégret, lors de la scission du parti. La jugeant diffamatoire, l’élu du Nord assigne l’association en justice, bien que le délai de trois mois après publication - prévu par loi sur la presse - ait expiré. Pour le moment, le droit est de son côté.
Publication permanente
Jusqu’à ce que les juges se penchent sur Internet, le délit de diffamation publique, réprimé par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, était prescrit au-delà d’un délai de trois mois après publication (lire Le Net n’est pas un média comme les autres). Cet artiste provocateur, tendance extrême gauche et scato, s’était fait poursuivre par les associations contre le racisme et l’antisémitisme qui avaient catalogué un peu rapidement ses écrits électroniques au rayon facho. Au terme d’une longue procédure judiciaire portant sur la prescription, ces associations avaient obtenu une surprenante décision établissant qu’un site internet - et donc celui de Costes - faisait l’objet d’une "publication permanente".
Dépôt légal
Scandaleuse pour beaucoup, cette décision semble appartenir au "bon sens" aux yeux de l’avocat de Carl Lang, Jean-Pierre Claudon Walleran de Saint Just. Ceci, dans la mesure où la publication en ligne - contrairement à la presse classique - ne permet pas d’établir une date de dépôt légal à partir de laquelle peut être déterminée la prescription. Un point de droit maintes fois discuté. Mais pour lequel il faudra attendre que l’affaire Costes ait été jugée sur le fond, c’est à dire sur le caractère raciste -ou non- des propos de l’artiste. D’ici là, tant pis pour les webzines et les sites internet en général. Le débat juridique devrait donc porter sur un autre point. Selon Thierry Meyssan, président du Réseau Voltaire, "la notice concernant Carl Lang avait déjà été publiée sur un support papier qui avait bien fait l’objet, lui, d’un dépôt légal". Pour Jean-Pierre Claudon Walleran de Saint Just, "la nouvelle forme de mise à disposition du public crée une nouvelle diffamation". Thierry Messan entend, lui, faire valoir que le changement de support ne vaut pas nouvelle publication.
La fin des archives en ligne ?
"Lorsque vous consultez le microfilm d’un article de presse dans une bibliothèque publique, ce changement de support n’est pas considéré comme une nouvelle publication", plaide Thierry Meyssan. À ceci près que l’archivage dans une bibliothèque n’est pas le fait de l’éditeur lui-même. Mais en définitive, c’est bien la possibilité pour les journaux de permettre la consultation en ligne de leurs archives qui se jouera au tribunal. "À voir le peu d’empressement de certains patrons de presse français à permettre l’accès à leurs archives par Internet, regrette Thierry Meyssan, je me demande presque s’ils ne seront pas rassurés si le juge applique cette imprescriptibilité de la publication en ligne." Par ailleurs, le tribunal devra se pencher sur la responsabilité de Raphaël Meyssan, fils du président du Réseau Voltaire, chargé, lui, de la "réalisation du site".