Trois personnes qui travaillaient pour une fausse banque en ligne proposant des emprunts bidons ont été interpellées vendredi à Paris. Ces arrestations n’ont pas mis fin à l’arnaque, qui aurait déjà rapporté plusieurs dizaines de millions de francs.
C’est l’histoire d’une banque en ligne, la Millenium Bank, qui propose des emprunts à des taux défiant toute concurrence, mais malheureusement fictifs. Une arnaque belle et simple. Le 13 octobre, trois escrocs chargés de plumer les clients de cette banque ont été déférés devant le parquet de Paris. Cette affaire d’escroquerie à la banque virtuelle, confiée aux policiers de la Brigade de recherches et d’investigations financières (Brif) et au Service d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information (Sefti), est la première du genre révélée en France. Selon un enquêteur de la Brif, la brigade a identifié à ce jour une trentaine de victimes de la supercherie. Elle avance une estimation "à la louche" du montant global du préjudice : "Plusieurs dizaines de millions de francs." C’est sûrement beaucoup moins, pour l’instant en tout cas. Les sommes détournées via la fausse banque dépassent rarement les 100 000 francs par victime, ce qui, multiplié par une trentaine de personnes, donne au mieux 4 millions de francs.
Londres, Tanger, New York
L’arnaque n’en est pas moins réelle. Son principe est le suivant : en se connectant à un site hébergé au Maroc, milleniumbank.net (ou à un autre site équivalent, century-directbank.com), on tombe sur une page d’accueil qui pourrait être celle de n’importe quelle banque offshore réelle. Le site invite le futur client à renvoyer un formulaire d’ouverture de compte à l’un des trois numéros de fax proposés, à Londres, à Tanger ou à Albany, dans l’...tat de New York. C’est dans cette ville américaine que se trouve le siège de Factum Capital, la société qui détient les noms de domaines de la banque bidon. Quelques jours après la transmission du formulaire, explique une source proche de l’enquête, les victimes étaient contactées par un membre de l’équipe se présentant comme un courtier de la Millenium Bank. En échange d’un dépôt de garantie (en général 100 000 francs), la victime recevait un chèque du montant de l’emprunt demandé. Un chèque pouvant aller jusqu’à 12 millions de francs, mais qui ne pouvait jamais être encaissé puisque la banque débitrice n’existe pas. Le chèque de dépôt de garantie était ensuite versé sur un compte étranger, le plus souvent en Grande-Bretagne.
Escroquerie toujours en cours
Début septembre, un internaute soupçonneux a alerté la Brif, avant de déposer plainte. La Brif s’est rapidement aperçue du caractère fictif de la Millenium Bank. Le parquet a alors ouvert une enquête pour exercice illégal de la profession de banquier et escroquerie. L’un des escrocs présumés, âgé de 20 ans, a été interpellé à Paris le 11 octobre au cours d’un rendez-vous avec le plaignant à propos du futur emprunt. Il a très vite mis en cause l’un de ses complices, âgé de 22 ans. La troisième personne inculpée, une femme de 49 ans, est soupçonnée d’avoir servi d’intermédiaire entre les deux jeunes gens et le commanditaire, installé au Maroc. Ce dernier n’a pas été arrêté. Seul hic, "il y a toutes les chances que l’escroquerie soit toujours en cours", assure un enquêteur de la Brif. Le site de la banque est encore en ligne. Son hébergement au Maroc interdit pour l’instant toute intervention de la justice française pour le faire fermer. "La personne qui pilote le réseau depuis le Maroc peut très bien disposer d’autres rabatteurs dans d’autres pays", redoute-t-on au parquet de Paris. Et pourquoi pas en France ? Avant que n’aboutissent les commissions rogatoires internationales qui devraient être transmises dans les prochains jours au Maroc et aux ...tats-Unis, la fausse banque peut encore engranger de coquets bénéfices.