Mady Richard vient d’être déboutée par le conseil des prud’hommes de Montbéliard. Cette comptable de 36 ans, déléguée syndicale CGT, reprochait à ses employeurs de l’avoir mise à pied après la surveillance de ses e-mails.
Trois jours de suspension sans rémunération, c’est la sanction imposée par l’entreprise Sulzer à une de ses salariées. Cette société francomtoise, spécialisée dans la fabrication de matériel orthopédique, reprochait à son employée d’avoir échangé des e-mails durant son temps de travail. Le cas illustre parfaitement les préoccupations actuelles des syndicats : le manque de réglementation autour des pratiques de surveillance des messageries électroniques et autres moyens de communication, mis en place par les employeurs à l’insu de leurs salariés.
E-mails sous surveillance
Mady Richard, déléguée syndicale CGT, ne conteste pas avoir échangé cinq ou six messages avec une ancienne salariée de Sulzer, licenciée quelques mois plus tôt. Mais elle accuse la société de non-respect des dispositions du code du travail. "Le fond de l’affaire, ce n’est pas que j’ai échangé des e-mails avec une collègue, c’est que tous les employés de la société étaient surveillés à leur insu", explique t-elle. En effet, le 11 octobre 1999, Mady est convoquée par le responsable du personnel qui lui apprend sa mise à pied. Surprise ! Sur le bureau s’étalent les sorties papier des messages envoyés par la syndicaliste. L’avertissement est clair : l’entreprise surveille les messageries de ses employés et Mady se voit menacée d’un possible licenciement en cas de nouveau problème.
Une note de service en forme d’avertissement
C’est ce procédé que la salariée reproche à sa société devant le conseil des prud’hommes. Mardi 19 septembre, après deux audiences successives, la décision est tombée. La déléguée, qui, entre temps, a donné sa démission, est déboutée et le conseil des prud’hommes confirme la sanction. L’entreprise a en effet fourni la preuve de l’existence d’une note interne d’avertissement, antérieure à la mise à pied de Mady. Cette note ne disait pas explicitement que les messageries étaient surveillées. Elle "recommandait " aux employés d’utiliser en priorité les e-mails pour leur correspondance, en raison du coût du téléphone, et précisait le droit de regard de l’entreprise. Cette note de service en forme d’avertissement avait mis la puce à l’oreille des salariés. D’autant qu’elle ne respectait pas certaines règles du droit du travail. "La société aurait dû commencer par débattre de la question avec le comité d’entreprise, puis signifier à chaque salarié quels étaient les moyens de surveillance utilisés", explique Pascal Tozzi, le responsable CGT de la région qui assistait Mady lors des audiences. Roger Kauskaf, avocat spécialiste du droit du travail à Paris, va plus loin : "Le courrier électronique est soumis aux mêmes règles que les écoutes téléphoniques. Si le salarié n’est pas prévenu, cette surveillance est considérée comme une intrusion dans sa vie privée."
Un commutateur non déclaré à la CNIL
Pour l’avocat de l’entreprise, Yves Bouveresse, la décision est au contraire tout à fait justifiée. "Moi, je m’appuie sur un principe simple : temps travaillé, temps payé. La salariée passait plus de temps à entretenir des correspondances qu’à travailler", assène t-il. Ce à quoi Pascal Tozzi rétorque : "Il oublie de préciser, que non seulement l’entreprise n’avait pas prévenu ses salariés dans les règles mais qu’elle disposait de commutateurs destinés à surveiller les appels téléphoniques sans déclaration préalable auprès de la CNIL." L’argument n’a pas été entendu par le conseil des prud’hommes. "Il s’est prononcé sur la mise à pied mais pas sur le respect de la loi par l’entreprise", ajoute Mady, un peu amère.