Pour présenter les BD vendues sur son site, Amazon.fr fait appel à une société québécoise allergique à l’humour de la bande dessinée. Les amateurs rient jaune et le libraire en ligne tarde à réparer les dégâts.
Que pense la critique des délires dessinés de la génération "Fluide Glacial", des mangas et des BD satiriques en général ? Réponse sans nuance sur Amazon.fr . Absurdomanies d’Edika ? "Porte bien son titre en y ajoutant vulgaro et pornoscato". La dent creuse de Pétillon ? "Autre série d’aventures du privé minable et d’une foule de personnages aussi ennuyeux que laids". Dragon Ball d’ Akira Toriyama ? "Une BD de mauvais goût, totalement inacceptable : violence, sexisme, etc. "À l’origine de ces commentaires pompeusement intitulés "synopsis" (alors qu’ils comportent rarement plus de 10 mots), la société québécoise Services documentaires multimédia (SDM) a été sélectionnée par Amazon pour constituer une base de données francophone suite au refus de nombreuses sociétés spécialisées comme Electre (lire Amazon.fr n’a rien à vous dire ).
Faudrait savoir...
Et comme Amazon.fr a également embauché des petites mains pour rédiger directement certaines fiches de présentation, la cohérence de la ligne éditoriale en prend un coup. Le dessinateur Manu Larcenet, dont la BD La Loi des séries est taxée de "vulgaire et laid" par SDM, est encensé pour Les Cosmonautes du futur (avec Trondheim) dans la fiche signée Amazon.fr : "Cette histoire nous prend gentiment par la main. Puis, sous un prétexte quelconque, elle nous entraîne au fond d’une impasse et là, hop ! elle nous détrousse (...). Laissez-vous piéger. Faites-vous promener. Et la balade terminée, dites poliment : Merci messieurs ! C’est possible de refaire un tour ?" Et Vuillemin dont le travail est jugé "laid, vulgaire et sale" par SDM pour Les Chefs-d’œuvre figure parmi les choix de la rédaction dans la rubrique Humour BD pour Les Sales blagues de l’...cho, tome 8.
Boycott en vue ?
Univers BD, "le guide mensuel de la bande dessinée sur Internet", s’est le premier ému des commentaires dénigrants de SDM sur Amazon.fr. Dans un article, l’éditorialiste s’associe aux menaces de boycott d’amazon.fr qui se font de plus en plus précises dans le milieu des bédénautes. Alerté par cet article, Amazon a bien tenté de faire le ménage en expurgeant son site des critiques les plus gratuites de SDM. Préférant s’exprimer par e-mail plutôt que par téléphone, François Saugier, directeur éditorial d’Amazon.fr, tente de relativiser l’incident : "SDM est un de nos partenaires. Il nous fournit un contenu généraliste sur tous les sujets couverts par la production éditoriale, et ses textes sont souvent courts mais de qualité. Ils sont signés SDM, et ne représentent pas le point de vue d’amazon.fr sur un livre. Sur notre site, tout est organisé de manière à ce que différents points de vue puissent coexister : le nôtre, signé amazon.fr, celui de partenaires comme SDM ou Business Digest, celui des éditeurs (signé "présentation de l’éditeur") ainsi que celui des lecteurs eux-mêmes, qui ont la liberté d’encenser ou de critiquer un ouvrage. Ceci étant dit, les textes de SDM sur les BD sont un cas particulier. Nous les avions trouvés, il est vrai, un peu lapidaires et péremptoires par rapport à la ligne éditoriale du site telle que nous l’avions définie. Et nous avions décidé depuis plusieurs jours déjà de modifier ces textes. Ils seront remaniés et mis en ligne sur notre site dans le courant de cette semaine." Il n’empêche : personne n’a obligé Amazon à choisir une société institutionnelle (financée par le ministère de l’Education, SDM centralise l’information pour les bibliothèques québécoises) pour parler de Vuillemin et consorts. Il faute croire que la société américaine l’a sélectionnée faute de mieux. Et finalement pour le pire.