Après quatre mois de procédure, l’affaire Yahoo ! rebondit une nouvelle fois : le juge demande une expertise technique et fixe la nouvelle audience au 6 novembre.
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La décision sur le litige opposant, depuis le 12 Avril, la firme américaine Yahoo ! et sa filiale française Yahoo France aux associations de lutte contre le racisme n’est pas tombée le 11 août. Contrairement aux attentes de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) et de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), le juge des référés, Jean-Jacques Gomez, n’a pas prononcé de verdict permettant de mettre fin à cette affaire. Il a simplement ordonné la mise en place d’une nouvelle expertise technique, sans astreinte financière. Cette décision suit les recommandations formulées par le procureur de Paris lors de l’audience du 24 juillet et permet à Yahoo Inc de bénéficier d’un délai supplémentaire pour se conformer aux demandes de la LICRA -
(voir chrono) . Une nouvelle audience a donc été fixée au 6 novembre.
Collège d’experts
Jean-Jacques Gomez a ordonné la mise en place d’un collège de consultants composé d’un expert américain, spécialiste de l’Internet et des logiciels libres, et de deux experts européens internationalement reconnus. Le cabinet d’expertise informatique François Wallon est chargé de les sélectionner, en concertation avec les cinq parties en présence. Un cinquième des frais et honoraires de ce collège sera d’ailleurs pris en charge par la LICRA, l’UEJF, le MRAP, Yahoo Inc et Yahoo France. Les spécialistes auront deux mois pour plancher sur la viabilité des moyens techniques permettant de restreindre l’accès au service d’enchères de Yahoo Inc , comme l’avait ordonné le juge le 22 mai, à la demande des associations plaignantes. Une nouvelle audience a été fixée au 6 novembre pour examiner le rapport des experts.
Si Yahoo.com n’est pas forcé, pour l’instant, de restreindre son accès, le juge a cependant réaffirmé sa compétence pour arbitrer ce litige et attend du collège d’experts qu’il lui décrive avec précision les procédures de filtrage pouvant être mises en œuvre. Dans l’hypothèse où aucune solution ne pourrait garantir un filtrage à 100%, les experts devront quand même apprécier l’étendue du filtrage susceptible d’être obtenu. C’est sur cette impossibilité d’efficacité technique que l’avocat de Yahoo.com, Christophe Pecnard s’était attardé lors de l’audience du 24 juillet 2000, durant laquelle la firme américaine devait présenter ses solutions au juge. Car quelle serait la valeur d’une décision qui ne pourrait être appliqué correctement compte - tenu de l’architecture du réseau ? Pour Christophe Pecnard, cette décision est " mesurée " et " tient compte des arguments que nous avons développés lors des précédentes audiences ".
Des associations déçues
De son côté, Ygal El Harrar, le président de l’UEJF, affiche sa déception : " S’arrêter à une décision d’experts, cela permet à Yahoo de gagner du temps. Et en attendant, l’apologie du nazisme sur le site américain continue de se banaliser ". Mais le jeune homme reste optimiste : " La nomination d’un collège de scientifiques permettra sans doute d’y voir plus clair et c’est aussi bien".
Car si rien n’est encore tranché, l’arbitrage d’un comité d’experts pourra peut-être ouvrir le nécessaire débat autour des adaptations du droit aux pratiques ayant cours sur le Net. Un débat que la LICRA redoute. Très ému par la décision, Marc Knobel, membre du comité directeur de l’association a déclaré : " Les impératifs mis en œuvre dans le monde réel doivent exister sur le réseau. Dire que la LICRA va à l’encontre de la liberté d’expression est faux. Nous voulons seulement dire que la liberté de parole n’est pas de professer une idéologie nazie". Quant au débat sur la législation à adopter sur le réseau, le militant précise : " La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est mon seul domaine d’action. Je ne suis pas pour un Internet censuré mais pour un Internet mesuré ". Les deux mois laissés au collège d’experts permettront peut-être, qui sait, au véritable débat de voir le jour.
Concernant
Yahoo France, le juge déclare irrecevables les nouvelles demandes formulées
par la LICRA et l’UEJF dans leur assignation du 10 juillet 2000. Les associations
demandaient à Yahoo ! France de supprimer tous ses liens vers Yahoo.com
tant que la firme américaine ne mettait pas en œuvre de solution technique.
Elle reprochait également à la société de ne pas s’être conformée à l’ordonnance
du 22 mai dans laquelle le juge lui demandait d’insérer un avertissement
sur les pages des liens litigieux. La Licra et l’UEJF reprochaient à Yahoo
France de n’avoir pas mis en ligne l’intégralité du texte de l’avertissement
à destination des internautes français et demandaient donc qu’il figure
sur toutes les pages de Yahoo ! France. Par ailleurs, le juge prend en compte
le raccourcissement du texte d’avertissement (1) par Yahoo ! France en considérant
qu’il constitue une inexécution de sa demande. |
(1) Texte de l’avertissement : " Avertissement : en poursuivant votre recherche sur Yahoo ! US, vous pouvez être amené à consulter des sites révisionnistes dont le contenu constitue une infraction à la loi française et dont la consultation, si vous la poursuivez, est passible de sanctions. "