Pékin veut utiliser le Web pour redorer son image. Sa cyber-police, elle, traque sans pitié les opposants.
Huang Qi et son fils. En prison depuis deux mois pour avoir publié des textes sur Internet dénonçant Tienanmen.DR |
Propagande. C’est, en résumé, l’idée que se fait le gouvernement de Pékin du débat d’idées sur Internet. Après s’être ouvert au Web il y a trois ans pour des raisons économiques, le régime chinois souhaite désormais l’utiliser pour améliorer l’image du pays. C’est le sens d’une recommandation adressée mercredi 9 août aux médias communistes locaux. Le gouvernement appelle aussi à la formation d’"experts" rompus à la communication et à Internet et sûrs politiquement.
Web-dissidents emprisonnés
Car pas question de laisser les opposants, intérieurs ou extérieurs, se servir du Net pour véhiculer des opinions jugées "réactionnaires". Selon diverses organisations de défense des droits de l’homme, dont Reporters sans frontières, la police chinoise a fermé jeudi 3 août le seul site basé en Chine ouvertement pro-démocratique. Motif : il avait "diffusé des informations contre-révolutionnaires". À l’initiative de ce site, un groupe de dissidents de longue date, dont xinwenming.com.cn (nouveau forum culturel) était la seule soupape sur le Web. "La police nous a fait savoir que le contenu était extrémiste et que nous devions renforcer nos contrôles", a glissé l’hébergeur de Xinwenming à l’AFP. Le responsable du site, lui, tente aujourd’hui d’échapper à une chasse à l’homme menée dans l’est du pays. Deux autres Web-dissidents, Huang Qi (photo) et Qi Yanchen, croupissent depuis juin dans les prisons chinoises pour "subversion". Ils diffusaient des textes dénonçant le massacre de Tienanmen en 1989. Leur site, hébergé à Chicago, continue néanmoins de fonctionner.
Surveillance accrue
Ce renforcement de la répression sur le Net s’est traduit par l’annonce le 5 août de la création de cyber-polices dans 20 villes et provinces chinoises. Objectif : "administrer et maintenir l’ordre sur les réseaux informatiques". Les fraudes, les détournements de fonds et la pornographie sur le Web sont une aubaine pour les autorités qui saisissent le prétexte pour garder un œil sur la Toile. Plus que jamais, le régime communiste prétend surveiller les velléités des internautes. Il semble être en mesure de le faire, au moins partiellement. Parmi les moyens utilisés, les régulations dissuasives, autrement dit l’autocensure, le filtrage des portails, des mails et des chats, ou encore le blocage de l’accès aux sites des médias étrangers. Pas très compliqué quand on sait que seuls trois fournisseurs d’accès, contrôlés par le gouvernement, relient les 17 millions d’internautes chinois à la Toile. Des agents gouvernementaux, tout-puissants, campent en permanence chez ces providers et filtrent les sites indésirables. Les internautes ont bien la possibilité de se connecter via des URL plus discrètes, mais encore faut-il que les informations puissent passer au travers des chats surveillés, eux aussi... Et les poursuites engagées contre Xianwenming n’inciteront pas les internautes chinois à plus de témérité.
Le site des dissidents arrêtés en juin:
http://www.6-4tianwang.com
Reporters sans frontières:
http://www.rsf.fr