Une start-up de la Silicon Valley, DNA Science Inc, propose aux internautes de collecter leur ADN. À terme, elle espère ainsi disposer d’une base de données qui permettra de relier gènes et maladies.
Bénévolat, base de données et biotechnologies, c’est le triptyque sur lequel le projet Gene Trust initié par DNA Science Inc. compte s’appuyer pour imposer une nouvelle approche de la recherche en génétique humaine. En s’inspirant du modèle collaboratif des logiciels de calcul distribués comme SETI@Home, cette start-up californienne fondée en 1998 et qui compte un des co-découvreurs de la double hélice d’ADN dans son conseil d’administration, espère exploiter l’immense réservoir de donneurs bénévoles d’ADN qu’est Internet pour constituer une gigantesque base de données génétiques.
En effet, si le séquençage complet du génome humain nous a donné le "texte" du "schéma de construction" contenu dans chacune de nos cellules, les biologistes sont loin d’avoir élucidé le sens de ce texte. Ces derniers sont en fait dans la même situation que les égyptologues avant Champollion : ils peuvent décrire les hiéroglyphes mais ils ne comprennent (toujours) pas ce qu’ils veulent dire. Le génome ne sera réellement décrypté que lorsqu’on parviendra à lier chacune des "phrases" du "livre" génétique à la fonction biologique qu’elle décrit dans l’organisme humain.
Comme au Master Mind
Pour effectuer ce décryptage fonctionnel, les biologistes ont adopté une méthode proche de celle du jeu de Master Mind : ils observent les modifications biologiques induites par la présence, l’absence ou l’altération de certains gènes ou groupes de gènes. La grande différence avec le Master Mind, c’est qu’ils ne peuvent pas, pour des raisons éthiques et techniques évidentes, manipuler ces gènes comme on manipule les clous colorés de l’illustre jeu de réflexion. Ils peuvent en revanche contourner cette difficulté s’ils disposent simultanément de l’ADN et du profil médical de suffisamment d’individus : ils ont ainsi la possibilité de déduire les liens entre gènes et maladies grâce à la base de données ainsi constituée.
Le problème pour la plupart des laboratoires est qu’il faut disposer d’un nombre considérable de profils génétiques pour pouvoir commencer à discriminer les effets enchevêtrés des quelque 10 000 gènes humains sur notre organisme. En recrutant ces "profils" par Internet, Gene Trust compte rapidement disposer de la base de données génétiques la plus complète (prés de 100 000 profils) et accélérer ainsi la mise au point de traitements et d’outils de diagnostics génétiques.
Pas de rémunération
Le recrutement des volontaires se fait par l’intermédiaire d’un formulaire en ligne où le donneur potentiel indique son histoire médicale, son âge, son sexe et son origine ethnique. Il est ensuite invité à donner un peu de son sang (sur son lieu de travail, chez lui ou dans un centre itinérant). Les données génétiques et médicales du sujet sont ensuite intégrées à une base de données qui sera ensuite utilisée par DNA Science ou d’autres pour identifier la fonction des gènes. Il faut noter que DNA Science, s’il prévoit commercialiser sa base de données et ses produits dérivés (diagnostics, médicaments, etc.), n’envisage pas de rétribuer les donneurs : ses dirigeants estiment que l’altruisme et le bonheur de contribuer à l’avancement de la science médicale sont des motivations suffisantes pour participer au projet... Pour l’instant, les donneurs sont au nombre de 300, principalement les parents des employés de DNA Science, mais chacun peut s’y inscrire sur le site de DNA Science.