À neuf mois des élections municipales, les sites politiques ont envahi la Toile. Résultat : une douce confusion règne déjà entre sites officiels des candidats déclarés, sites de municipalités et portails non officiels. Une situation qui inquiète les candidats soucieux de rester dans les limites de la loi.
© Laurent Neyssensas |
Laurent reste encore ahuri du message qu’il a reçu dans sa boîte mail le 6 juin. Le texte portait la signature du dir’com de la mairie de Nantes. Pourquoi la municipalité s’intéresse-t-elle à ce chef de projet multimédia de 37 ans ? Pour une banale histoire de lien ! Dédié à une exposition, le site de Laurent abritait une œuvre d’un de ses amis représentant Jean-Marc Ayrault, l’actuel maire de Nantes. Titre du tableau : "Votez pour moi", que Laurent a transformé en lien hypertexte.
Un lien hypertexte dérangeant
C’est cette évocation qui a provoqué la gêne de la municipalité. Dans son mail, Guy Lorant, le directeur de la communication, demande à Laurent de bien vouloir retirer ce lien en justifiant sa requête. Extrait : "Il existe des dispositions régissant la communication en période préélectorale et (...) par rapport à celles-ci, votre site peut poser problème" (voir le contenu de l’échange par e-mail). Et le dir’com d’expliquer que ce lien participe indirectement à la valorisation de Jean-Marc Ayrault, futur candidat aux municipales. Or, selon le code électoral et en prévision des prochaines élections municipales, depuis le 1er mars, tout nouvel outil de communication doit être inclus dans les comptes de campagne. Le lien de Laurent entrerait dans ce cas. "En période d’élections, tout ce qui met en valeur un élu peut-être suspecté même si c’est une initiative personnelle prise à l’insu du candidat", avance Guy Lorant. Une argumentation que Laurent ne conteste pas malgré son étonnement. Pour l’heure, le chef de projet a remplacé le lien litigieux. Bon élève, il a même fait figurer un avertissement sur sa page à destination des internautes (voir note technique sur "Le recours aux sites Internet lors des campagnes électorales").
Prudence excessive des élus ?
Cas extrême et pour l’instant isolé, cette anecdote illustre pourtant les soucis d’adaptation de l’actuelle réglementation électorale au nouvel outil de promotion qu’est Internet. Pour Guy Lorant, la loi est tout bonnement "mal ficelée". "Elle repose trop sur l’interprétation que le juge peut en faire", précise-t-il. Une opinion que partagent d’ailleurs beaucoup d’élus. Un peu plus au nord, un peu plus à l’est, la petite ville de Thionville fait face à un autre dilemme. Cela fait presque un an maintenant que la municipalité dispose de son propre site Internet. Et cela fait presque un an qu’elle ne le met pas en ligne. Le problème ? La municipalité ne veut pas s’afficher sur la Toile, de peur d’avoir à intégrer le coût de son site dans ses comptes de campagne. Pourtant tout est fin prêt, mais les élus jouent la prudence. Didier Waldung, le chef de cabinet du maire, s’explique : "On a commencé à faire réaliser le site courant 1999, mais avec les modifications successives, on s’est retrouvés à la date butoir du 1er mars 2000. On a donc décidé d’attendre pour ne prendre aucun risque, car la loi est super contraignante." Une attente également justifiée par le coût de conception du site : 60 000 F. En sachant que le budget d’une campagne électorale d’une ville comme Thionville plafonne à 300 000 F. Rien d’étonnant à ce que l’élu hésite.
Information ou promotion ?
Une prudence politique que Marie-Chantal Gaudry Saumure nuance : "Il est tout à fait possible de mettre en ligne un site Internet en période électorale. Tout dépend de son contenu. Les hésitations des élus sont avant tout des excès de prudence. Mais ils ont parfois raison.". En effet, quoi de plus difficile que de distinguer la présentation de l’activité municipale d’un élu de sa promotion politique. La secrétaire générale de l’association Communication politique (qui réunit des responsables de la communication des collectivités locales, de l’ensemble du corps public, des administrations) explique : "Le même problème se pose avec les journaux municipaux qui vont, en période électorale, jusqu’à supprimer l’édito du maire pour ne pas contrevenir à la loi." De même, selon les dispositions de la loi, un candidat devra-t-il fermer son site Web à la veille de l’élection ? Si oui, comment s’assurer qu’il ne sera pas réouvert ailleurs ? Assistera-t-on prochainement à une traque laborieuse de tous les sites de particuliers militants traînant sur le Réseau ? Les prochaines élections seront à suivre à la loupe.
Lire la note technique sur
Le recours aux sites Internet lors des campagnes électorales
Page du portrait avec avertissement rajouté:
http://www.dimanche.free.fr
http://roger.dimanche.free.fr/jeanMarc.html
http://roger.dimanche.free.fr/jeanM...