TRANSFERT S'ARRETE
Transfert décryptait l'actualité des nouvelles technologies,
proposait un fil info quotidien et une série d'outils de veille. Notre agence, refusant toute publicité,
dépendait de ses abonnements.
Dans le monde policé de la Justice, François Staechelé détonne. Le président du Tribunal de grande instance d’...pinal ne craint pas le Réseau, il l’adore. Depuis longtemps. Portrait et interview audio.
Quand il s’agit du Net, il est infatigable. D’ailleurs, il est infatigable en général. Horaires ouvrables ? "Heu... Neuf heures - minuit", répond François Staechelé, 51 ans, président du tribunal de grande instance d’...pinal (Vosges). Parmi les juges, ce Mulhousien d’apparence paisible fait figure de pionnier, de défricheur, de secoueur d’idées et de dézingueur de lourdeurs administratives.
Il a découvert l’informatique en 1981 : il travaillait dans le train entre Metz, où il exerçait, et Bordeaux, où il enseignait à l’...cole nationale de la magistrature. Depuis, il n’a plus lâché son ordinateur. A gobé tous les livres sur le sujet. Appris la programmation. Acheté un Apple II à crédit dans les années 1984-85. Jusqu’à devenir aujourd’hui "celui qui sait tout sur Internet dans la Justice". François Staechelé est de toutes les commissions officielles, de toutes les sessions de formation, de toutes les listes de discussion. Propagandiste d’Internet, il publie à tours de bras sur Admiroutes, site d’échange et de réflexion sur l’adaptation de l’administration aux nouvelles technologies.
Tout cela a commencé en... "Je ne me souviens plus exactement quand", confesse ce costaud à lunettes dont le visage prend la couleur de sa chemise - rose de confusion - à l’idée que sa mémoire n’arrive pas à la hauteur de celle du super HP Omnibook 4150 posé sur le bureau de verre turquoise. Passons.
Cyber-prêcheur
À Metz, dans les années 1990, il ne dispose dans son bureau que d’une unique prise et doit choisir entre téléphoner ou se connecter au Réseau. François Staechelé est bien le seul de son espèce dans le vieux palais de Justice, quand les autres services publics commencent, eux, à s’équiper. "Je suis devenu le ‘facteur Internet’ du tribunal" : il récupère les mails expédiés par la préfecture, les imprime pour les apporter au procureur de la République à qui ils sont destinés. En 1994, "culpabilisé" par le peu de temps qu’il consacre à ses étudiants de DEA, il décide de les former à Internet pour communiquer avec eux. Du coup, il reste encore un peu de son précieux temps pour ses collègues, quelques profs de droit et une poignée d’avocats. Direction : le cyber-café installé face à la cathédrale de Metz, qu’il squatte par demi-journées pour initier tout ce beau monde aux joies de la Toile. Dans le cadre d’une association de formation pour les juristes créée par lui. Idem à Paris, un jour de 1994. Un intervenant fait faux-bond dans un colloque. Au pied levé, Staechelé improvise un speech sur les nouvelles technologies de la communication. L’auditoire veut voir ? Cap sur Beaubourg ! Une caravane de juges emboîte le pas au gourou pour aller prendre sa première leçon... Le cyber-prêcheur a encore gagné. Comme il a gagné, dans son ancienne juridiction, à Metz. Jubilatoire : "Tout le monde est connecté depuis environ deux ans ! J’ai installé la plupart des postes." Quelques économies de gestion, le recours à un fournisseur d’accès gratuit, et hop ! Entre temps, il a aussi numérisé une bonne partie du code de procédure pénale pour un réseau médical local à qui il fournit des chroniques juridiques. Et monté un club d’informatique à la prison de Besançon, grâce à un informaticien qu’il avait condamné à 240 heures de travail d’intérêt général...
Enthousiasme communicatif
C’était la préhistoire. Entre temps, le discours d’Hourtin a signé la conversion numérique de Lionel Jospin, et l’administration a suivi. Au ministère de la Justice, 30 000 postes connectés à Internet devraient être installés d’ici à la fin de l’année.
Pour l’heure, à ...pinal, M. le président passe des heures sur les listes de discussion juridiques. Dès 1995, il a rejoint Jugenet, une liste francophone fermée, inventée par le juge québécois Denis Laliberté. On y échange des conseils juridiques ou adresses de familles pour accueillir les enfants en vacances, ainsi que les dernières nouvelles des petits mondes judiciaires : "les collègues du tribunal ont commencé à êtres fascinés quand je leur annonçais des nominations huit jours avant tout le monde." Depuis, Staechelé a lancé Thémis, une liste franco-française à laquelle il a lui-même abonné une partie des 450 juristes qui s’y retrouvent (juges, juges des tribunaux administratifs, des tribunaux de commerce, de la Cour des comptes). Le seul endroit où "dans cet univers conflictuel, tous les syndicats de magistrats se parlent". Autre chose ? Oui. Le président a beau manquer de temps pour rédiger ses jugements, il projette encore la création d’une liste de discussion locale intégrant la soixantaine d’avocats du barreau d’...pinal dont il est en train de récolter les adresses électroniques ! En jonglant avec la soixantaine de mails reçus chaque jour, dont un paquet concerne des infos "aspirées" sur des sites juridiques par les agents intelligents de son logiciel. "E-catch, vous connaissez ?"