À quelques heures des élections présidentielles de dimanche prochain, un CD-Rom contenant les noms d’entrepreneurs et d’hommes politiques liés à une affaire de corruption est au centre de toutes les batailles. Le but : trouver les codes permettant de le lire.
C’est la plus grande escroquerie de l’histoire du Mexique. À la suite de la crise financière qu’a connu le pays en 1994 et en 1995, une cinquantaine d’hommes politiques et de grands patrons proches du PRI (Parti de la révolution institutionnelle, droite, au pouvoir depuis 71 ans) a bénéficié de 6 milliards de dollars de prêts illégaux du Fonds bancaire de protection de l’épargne (Fobaproa), à l’origine destinés à relancer l’économie aztèque. Après enquête, le cabinet d’audit canadien Mackey a remis un rapport au gouvernement en 1999, avec la liste de toutes les personnes concernées. Jugeant que la diffusion de ces noms provoquerait une crise politique sans précédent, Michael Mackey, qui dirige le cabinet canadien, a enregistré ces noms sur un CD-Rom verrouillé par un code divisé en six clés. Il en a remis une ou deux à chaque parti politique représenté à l’Assemblée nationale, et a en même temps confié le fameux disque au président de la commission d’enquête parlementaire chargée de ce dossier, membre du parti d’opposition PRD (Parti pour la révolution démocratique, gauche).
Primordial pour la démocratie
Pour ouvrir le CD-Rom, les six clés sont nécessaires. Tous les partis d’opposition ont rendu les leurs, sauf le PRI, qui refuse de la rendre publique avant le scrutin présidentiel de dimanche prochain. Pour tenter d’ouvrir le disque, Dolores Padierna, députée PRD en charge de cette affaire pour son parti, a contacté un groupe de hackers locaux dont la mission est de trouver le plus rapidement possible la clé manquante. "Il ne nous manque plus qu’un seul code pour avoir les noms de tous ceux qui ont profité des prêts illégaux, déclare-t-elle. L’information contenue dans ce disque est primordiale pour la démocratie. Elle doit donc être connue par n’importe quel moyen", se justifie la députée tout en citant les cinq premières clés : "tmofapit259, iawwi859, tccsta955, pccta965 et aarotbc168".
Vide juridique
Pour ne pas influencer le scrutin de dimanche, elle a décidé, en accord avec les dirigeants de son parti et si les hackers découvrent le dernière clé, d’attendre les résultats des élections avant de publier les noms. La semaine dernière, cinq des sept membres de la commission d’enquête (tous députés du PRI et d’un autre parti de droite) avaient décidé d’ouvrir une enquête contre Dolores Padierna, qu’ils soupçonnent de posséder une copie du CD-Rom. "Effectivement, le PRD a réalisé une copie du disque, mais par pure précaution, explique-t-elle. Il est gardé en lieu sûr. Le but est d’éviter les manipulations sur les données qu’il contient." Car si le candidat du PRI l’emporte dimanche, la députée est certaine que cette affaire sera classée : "Nous allons tout tenter pour ouvrir le CD-Rom. Que des hackers l’ouvrent ou que des experts officiels le fassent n’a aucune importance. Aucun texte de loi ne nous empêche d’avoir recourt à des pirates informatiques. Nous profiterons de ce vide juridique pour faire justice."