Le tribunal de grande instance de Paris a examiné, lundi 15 mai, la plainte de la Licra et de l’UEJF contre Yahoo !, à propos de la vente aux enchères d’objets nazis sur le site. Au cœur des débats : un site américain peut-il être poursuivi en vertu de la loi française ? Réponse le 22 mai.
Maitre Stéphane Lilti, avocat de l'UEJF et Ygal El Harrar, président de l'UEJF© Julie Krassovsky/ Transfert |
Un site américain peut-il être poursuivi en vertu de la loi française ? Lundi 15 mai, cette question était au centre d’une audience en référé du tribunal de grande instance de Paris. D’un côté, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) et l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), de l’autre, Yahoo.com et Yahoo ! France.
Le 12 avril dernier, la Licra avait assigné en justice le moteur de recherche américain. Motif : le site d’enchères Yahoo ! Auctions mettait (et met encore) en vente des centaines d’objets nazis, dont une boîte de Zyklon B, le produit utilisé dans les chambres à gaz (lire article de )transfert
Yahoo ! et les nazis ). Depuis, l’UEJF s’est joint à la plainte et a ajouté sa touche personnelle en poursuivant également Yahoo ! France : pour la sous-rubrique "Holocauste", l’annuaire français proposait un lien hypertexte renvoyant sur le site américain avec cette phrase "
catégorie équivalente en anglais".
Un simple intermédiaire ?
Lors de l’examen des plaintes au tribunal, la Licra et l’UEJF ont exigé de la société américaine qu’elle prenne des mesures pour éviter l’exhibition et la vente d’objets nazis depuis son site sur le territoire français, sous astreinte de 100 000 euros (environ 715 000 F) par jour. Mais un problème demeure : le premier amendement de la Constitution américaine reconnaît la liberté de parole pour tous. Autrement dit la vente d’objets nazis n’a rien d’illégal aux ...tats-Unis. En France, en revanche, l’apologie du nazisme est interdite et passible de poursuites. Alors comment prononcer la condamnation d’un site américain en vertu des lois françaises ? Pour Maître Stéphane Lilti, l’avocat de l’UEJF, "la compétence du juge des référés peut s’appliquer dès lors que le recours est jugé devant la juridiction du territoire dans lequel les troubles ont été constatés". Il estime également que rien n’empêche le site américain de consentir des limitations à la liberté d’expression de ses utilisateurs. À l’inverse, Maître Christophe Pecnard, avocat de la société américaine Yahoo.com, a avancé que "Yahoo ! n’intervient pas matériellement dans les enchères et la sélection des objets, nous ne sommes qu’un intermédiaire entre des particuliers".
Modification sur Yahoo ! France
Dans le cas de Yahoo ! France, Maître Lilti, pour l’UEJF, demande que le tribunal impose l’annulation du lien hypertexte, l’interdiction d’héberger tout textes, fichiers et images nazis sur son site et l’obligation d’une mesure de publication. L’avocat réclame également un franc de dommages et intérêts. Yahoo ! France met en avant sa bonne volonté. La société a en effet modifié le lien hypertexte - qui indique maintenant "Poursuite de la recherche sur Yahoo US" - quatre jours après avoir reçu l’assignation de l’UEJF. La société prétend également n’indexer, pour sa part, aucun site litigieux et estime que ce lien ne peut engager sa responsabilité.
"Mouvance du contenu"
Pour clore le débat, Pierre Dillange, le représentant du parquet, a reconnu que "compte tenu de la mouvance du contenu sur Internet, un opérateur ne peut contrôler tous les sites". En revanche il a estimé que "ne pas essayer d’empêcher une activité illicite revenait à encourager l’apologie du nazisme. Est forcément responsable celui qui peut mettre fin à un trouble et qui ne le fait pas." Une déclaration qui a satisfait Maître Levy, l’avocat de la Licra : "Par ces mots, le parquet a reconnu la responsabilité de moyens, c’est assez accablant pour Yahoo !". L’ordonnance du tribunal sera rendue le lundi 22 mai.