Pionnière du vote électronique, la Belgique fait marche arrière. Le Sénat s’apprête à voter un moratoire sur l’extension d’un scrutin sur ordinateur.
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Vote électronique, démocratie numérique, émergence des e-citoyens, les thèmes de réflexion ambitieux ne manquent pas sur un sujet qui occupe aujourd’hui beaucoup les politiques. Et alors que les élus français en sont encore à vanter les bénéfices du vote électronique (expérimenté à deux reprises en France) et déjà, à vanter les mérites, supposés, du vote par Internet, les Belges, eux, révisent leur jugement sur cette pratique. Il sont pourtant les pionniers du vote électronique :43 % de leurs bureaux de vote sont équipés de machines à élire depuis 1994. Pourtant, les Belges proposent aujourd’hui un moratoire sur le sujet.
La commission de l’Intérieur du Sénat vient en effet d’élaborer une recommandation sur le vote électronique. Ce texte, sur lequel 15 sénateurs planchent depuis octobre 2000, dans la foulée de l’élection des conseils communaux, propose de geler le développement du vote électronique : il ne s’agit pas de faire disparaître les machines à voter mais de ne pas développer leur implantation. Une nuance d’importance, fruit du compromis trouvé par les sénateurs. "Les élus du sud du pays (francophones) se sont prononcés contre le vote électronique, tandis que les élus du nord étaient pour. La majorité a donc fini par s’entendre sur la mise en place d’un moratoire", explique Georges Dallemagne, l’un des rapporteurs du texte du Sénat
Le résultat du compromis donne ceci : les 57 % d’électeurs qui votent manuellement vont continuer à mettre eux-mêmes leur bulletin dans l’urne. Pour les bureaux qui ne veulent pas en rester au vote papier, un système de dépouillement par lecture optique sera privilégié pour accélérer le comptage. Pour les 43 % de votants concernés par le vote électronique (les machines sont installées dans leurs bureaux de vote), la commission demande au gouvernement de mettre en place un système de confirmation de vote. Un bulletin de vote sera remis à chaque électeur et déposé dans une urne de secours. Le texte recommande également de procéder à un contrôle obligatoire du scrutin par échantillonnage dans 3 % des bureaux de vote. Dès qu’une anomalie comptable sera suspectée, la loi devra imposer un décompte manuel obligatoire.
Même si cette recommandation, qui sera soumise au vote la semaine prochaine avant d’être transmise au Gouvernement, n’a pas de valeur contraignante, la voix du Sénat est rarement ignorée par le gouvernement.
La crédibilité du système électoral belge
Eric Mugneret - |
Par cette recommandation, les sénateurs entendent favoriser un système de contrôle transparent. Le texte ne dit-il pas qu’ "
il en va de la crédibilité du système électoral belge et international". Un véritable succès pour les détracteurs du vote électronique qui ne cessent d’appeler au débat depuis 1994, date de la promulgation de loi sur le vote automatisé. Nabil Antoun, polytechnicien de formation et président l’association Pour Eva (pour une éthique du vote automatisé) est de ceux-là. Il milite pour un retour au vote sur bulletin et a multiplié les recours administratifs et judiciaires. Avec une idée fixe : alerter les citoyens belges sur les dangers du scrutin électronique. "
Tout scrutin démocratique implique un contrôle populaire et la transparence y est de mise", répète inlassablement celui qui à plusieurs reprises à refusé de "
voter à l’aveugle". Bien que le vote soit (théoriquement) obligatoire au plat pays. "
Tout système informatique est piratable. Comment m’assurer que la carte magnétique qui enregistre mon vote est réellement vierge ?", s’interroge le polytechnicien. Paul Vanwelde, enseignant et directeur d’une petite société de service, sans être "
un chaud partisan du vote électronique", défend une position plus conciliante. Comme Nabil Antoun, il a été auditionné par le Sénat, car c’est un auteur prolixe d’articles sur le sujet. "
Que l’on utilise le vote électronique, soit, mais pas tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en Belgique. Nous avons besoin d’un certain nombre de conditions de contrôle obligatoires auxquelles la proposition de la commission du Sénat répond dans sa recommandation" assure-t-il. Nabil Antoun, lui est contre. Pour lui, l’...tat belge doit impérativement faire marche arrière. Certains ont déjà rejoint ses positions comme la Ligue belge des droits de l’homme dont le président, Partrick Charlier, s’est prononcé contre "
l’automatisation des opérations de vote" car "
elle n’offre pas toutes les garanties d’un contrôle démocratique". En arrivera-t-on aux mêmes conclusions en France, où l’on a commencé à expérimenter cette technique ? Pour cela, il faudrait que les politiques lancent un débat qui, pour une fois, dépasse les bonnes paroles jetées en pâture au public sur le thème de la seule modernité.