Deux décisions de justice contradictoires rappellent que le temps n’est peut-être pas loin où les parents auront la possibilité de choisir les caractéristiques génétiques de leurs enfants. À commencer par leur sexe.
Les Espagnols seraient-ils plus prêts à accepter l’eugénisme sexuel que les Anglais ? Les juges britanniques viennent en effet de refuser à un couple le droit de recourir à un test génétique pour choisir le sexe de leur enfant. Tandis que, quelques mois plus tôt, la Commission espagnole nationale sur les techniques d’assistance à la procréation autorisait un couple à avoir des triplés mâles qui viennent de naître, et dont les parents avaient choisi le sexe.
Motifs esthétiques contre motifs médicaux
Il est vrai que les cas anglais et espagnol n’étaient pas vraiment semblables. Le couple anglais avait peu de justification médicale pour sa requête, mais voulait une fille. Alan et Louise Masterton, déjà parents de 4 garçons et ayant perdu leur unique fille dans un accident, désiraient offrir une petite sœur à leur descendance masculine. En revanche, le couple espagnol, dont le père était hémophile, voulait un garçon afin d’être certain que leur enfant ne serait pas porteur du gène de l’hémophilie.
Il faut en effet savoir que le gène de l’hémophilie est situé sur le chromosme sexuel X. Les filles possèdent deux exemplaires de ce chromosome, alors que les garçons possèdent un X et un Y. Si il y a un X malade et un X sain, l’individu (une femme) ne développera pas l’hémophilie ; on l’appelera alors porteur sain. Mais si ce X malade est couplé avec un Y, l’individu (un homme) sera hémophile. Chaque parent apportant un de ses chromosomes sexuels (X malade ou Y pour l’homme, X pour la femme), on savait donc qu’un rejeton mâle n’avait aucune chance d’être porteur de l’hémophilie. D’où le choix du sexe...
Avortement ou tri sélectif des embryons ?
En fait, la sélection s’est faite après fécondation in vitro : sur huit embryons, seuls les trois porteurs du chromosome Y ont été implantés dans l’uterus de la mère. Cette procédure semble éthiquement acceptable à la Commission espagnole : elle ne conduit pas à un véritable avortement, puisque les embryons "liquidés" n’ont jamais été portés par la mère.
Le même raisonnement a récemment conduit un couple de Chicago à se choisir un bébé en fonction de sa compatibilité immunologique avec sa grande sœur. Atteinte d’une anémie très grave, l’aînée attendait une greffe de moelle osseuse.
Dans ses deux cas, on ne tue pas comme dans l’eugénisme façon XXe siècle, on empêche juste certains d’exister sans vraiment savoir si une faiblesse, ici et maintenant, ne peut pas devenir un atout sous d’autres cieux. Ainsi, certaines anémies génétiques sont connues pour accroître la résistances à certaines maladies, le paludisme par exemple, et les yeux bleux sont en définitive un déficit génétique. Il ne faut pas non plus oublier que, dans certains pays, être une femme est considéré comme une maladie honteuse. Bref, l’enfer de l’eugénisme, aujourd’hui comme il y a un siècle, est toujours pavé des mêmes bonnes intentions médico-sociales...
L’article sur le couple de Chicago:
http://www.alternet.org/story.html?...
Le site du Comité Consultatif National d’Ethique:
http://www.ccne-ethique.org/