Pour Christian Paul, rapporteur du projet pour la commission des lois de l’Assemblée, la (future) loi sur la signature électronique est une petite révolution juridique, premier signe de l’adaptation du droit à la société numérique et d’une dématérialisation des échanges juridiques, même si son champ d’application est limité aux contrats.
)transfert
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En quoi cette loi sur la signature électronique
change-t-elle vraiment la donne en matière
d’échanges sur le Réseau ?
- C’est à la fois une attente des usagers en
termes de sécurité et de confiance,
et un besoin des entreprises qui souhaitent développer
le commerce électronique. C’est dans le domaine
de la sécurité et de la confiance qu’on
attend aujourd’hui les pouvoirs publics. La loi à
venir sur les données personnelles et confidentielles
relève d’ailleurs du même souci.
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Le
commerce électronique n’a pas attendu cette
loi pour se développer
- Il est vrai que les dispositifs de certification
et la technique de la signature électronique
existent déjà en pratique sur le Réseau.
Le problème, jusqu’à présent,
c’est que ça n’était pas reconnu juridiquement.
Il fallait donc prendre un certain nombre de dispositions
pour éviter un retard du droit sur la technologie.
Pour l’instant, il n’y a pas de jurisprudence très
abondante dans ce domaine. Or c’est au fur et à
mesure des contentieux qu’un certain nombre d’opérateurs
peuvent rencontrer des difficultés. Aujourd’hui,
on peut très bien effectuer des paiements sécurisés
faisant intervenir des certificateurs. Là où
ça pose problème, c’est quand on vient
devant le juge. D’où la nécessité
d’accorder une vraie valeur de preuve aux échanges
électroniques. C’est une sécurité
supplémentaire. Cela ne veut pas dire qu’on
aura forcément besoin de la signature pour
tous les échanges.
C’est-à-dire ?
- Je m’explique : si vous commandez un livre sur un
site, vous n’irez pas forcément chercher un
certificat qui authentifie votre signature électronique.
En revanche, si vous achetez une voiture, la question
va peut-être se poser différemment. Si
vous prenez des particuliers qui commandent des articles
pour lesquels ils attendent un service après-vente
et des conditions de garantie, ils ont besoin de réceptionner
le produit, mais ils doivent pouvoir conserver un
contrat de vente aux conditions les moins contestables
possibles avec un contenu dont l’intégrité
soit garantie dans le temps.
Pourquoi le projet de loi ne contient-il aucune
spécification technique ?
- Le choix a été fait d’une loi totalement
neutre sur le plan technologique. La loi fixe le principe
de reconnaissance de la signature électronique
dès lors que des procédés techniques
permettent de l’authentifier. Ensuite, elle renvoie
à des décrets qui vont bouger dans le
temps. Ceux-ci reconnaîtront les procédés
de signature électronique ou les conditions
dans lesquelles se fait la certification ou l’agrément
des organismes de certification. La loi est faite
pour durer au-delà des procédés
technologiques. Ceux-ci peuvent bouger tous les 4
ou 5 ans. Donc on ne va pas réécrire
cette loi à chaque nouveau procédé.
C’est d’ailleurs la même chose pour les actes
authentiques une disposition ajoutée
par les sénateurs. Les conditions dans lesquelles
ils seront valables lorsquils ont été
signés électroniquement seront précisées
ultérieurement.
Qui agréera les technologies au service
de la signature électronique ?
- Il y a en fait deux niveaux. D’une part, l’opérateur
de certification. Certains, comme la Poste sont d’ailleurs
déjà présents sur ce marché.
Par ailleurs, la directive européenne, dont
découle ce projet de loi, prévoit que
les ...tats peuvent prendre des dispositifs pour
agréer ces opérateurs. C’est le deuxième
niveau d’autorité. Il est donc possible que
ces opérateurs soient agréés,
soit par l’...tat, soit par des organismes privés
ayant une mission de service public. Le gouvernement
précisera. Bien entendu, les opérateurs
de certification doivent être incontestables,
c’est de leur rigueur que dépendra la qualité
de ces services.
Un sénateur proposait une agence nationale
de certification
- Personnellement, je n’ai pas de religion. Je pense
en tout cas qu’il faut bien distinguer ceux qui certifient
et ceux qui agréent les certificateurs.
N’aurait-on pas pu imaginer que la certification
soit un service public ?
- Le choix implicite dans cette affaire est que l’agrément
des certificateurs reste sous un contrôle public
fort. Mais il est également prévu que
se développe un secteur économique,
qui sera d’ailleurs pluraliste. Ce ne sera pas un
monopole. Dans ce domaine, Il faut trouver des équilibres.
Il ne s’agit pas que la puissance publique démissionne
face à la diversité des réseaux
et la rapidité de ces technologies. Mais en
même temps, il y a tout une économie
qui se développe et que nous prenons en compte.
Le droit français ne doit pas être totalement
décalé par rapport à ces évolutions.
C’est un enjeu concurrentiel considérable pour
l’Europe. Avoir des règles identiques entre
pays peut être un élément important
dans la compétition avec les ...tats-Unis.
D’une part, parce que le droit américain est
fractionné entre ...tats et qu’un consommateur
américain peut être intéressé
par la réputation de confiance du cadre juridique
européen. Même si ces batailles-là
relèvent plus du moyen terme que du court terme.