Le 19 mai, le collectif Tchernoblaye, membre du Réseau "Sortir du Nucléaire", a pu suivre de très près la traversée de Bordeaux par un train transportant des déchets nucléaires. Il publie sur son site web les photos de son expédition, et dénonce l’absence de protection de tels convois et le manque d’information sur les risques encourus par les populations. Pour les services de sûreté nucléaire de l’Etat, le risque est infime.
Sans être le moins du monde inquiété, Stéphane Lhomme, du collectif Tchernoblaye, a pu approcher le train qui, après être passé à moins de 10 mètres de certaines habitations, est resté plusieurs heures à l’arrêt en gare de triage.
Sur place, Lhomme a procédé à un relevé du taux de radioactivité du wagon. Il dit avoir constaté un taux 20 fois supérieur à celui que l’on peut enregistrer chez soi. Un résultat qui a conduit les cheminots à refuser provisoirement de poursuivre l’acheminement.
Contacté par Transfert, Jacques Aguilar, sous-directeur du cycle du combustible et des transports de matières radioactives à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), explique que chaque transport fait l’objet de deux contrôles préalables de la part d’EDF et "d’une autre société". Dans le cas de ce convoi, EDF aurait même, selon Jacques Aguilar, procédé à un troisième contrôle, qui n’aurait rien relevé d’anormal en termes de radioactivité.
Absence de protection
Mais ce qui inquiète surtout les membres de Technoblaye, c’est l’absence de protection dont bénéficie ce type de convois. "Parvenir au wagon était déconcertant de facilité, avance Stéphane Lhomme, et on peut raisonnablement être pessimiste. On voit régulièrement des fourgons de transport de fonds être attaqués au lance-roquette. Ce n’est pas de la science fiction ou du catastrophisme que d’évoquer le risque terroriste. Or, on ne sait pas si ces wagons résistent à de telles actions ou pas..."
Pour le responsable de l’ASN, les emballages sont conçus pour minimiser, en cas d’incident, les risques d’échappement et de contamination, et il n’y a "pas vraiment de risques, sinon à plus ou moins long terme" en matière de cancers, dans l’hypothèse, relativement improbable selon lui, d’une fuite de matières radioactives. En France, il y a une soixantaine d’incidents par an, en moyenne.
Si la protection des wagons "doit résister à une certain nombre de sollicitations, dont une chute de 9 mètres", Jacques Aguilar reconnaît que les wagons ne sont pas conçus pour résister à un missile et qu’ils n’ont pas fait l’objet de tests particulier de cet ordre.
Rappelant que "dès qu’on parle de radioactif, ça a tout de suite des effets médiatiques", Jacques Aguilar estime qu’en termes de dangerosité, il serait probablement plus efficace, pour des terroristes, de s’attaquer à des usines ou à d’autres transports de matières dangereuses.
"Ca résiste aux lance-roquettes"
Didier Lallemand, haut fonctionnaire de défense au ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, en charge de la protection physique de tels transports, renchérit : "Je ne vois pas l’intérêt qu’aurait un terroriste à envoyer un missile sur ce genre de transport, et je trouve étrange ce genre d’acharnement, dès qu’il est question de nucléaire, alors que, justement, les mesures de protection y sont plus importantes" que lorsqu’il est question d’autres types de matières dangereuses.
S’il s’occupe de sécurité en général, et n’est pas ingénieur en nucléaire, Didier Lallemand, qui n’était pas au courant de l’affaire du train de Bordeaux, avance que les mesures de protection sont proportionnées au type de chargement. Donc, que si celui-ci n’était pas encadré par des forces de sécurité, c’est que son chargement ne le nécessitait pas. Si l’invulnérabilité de tels wagons n’est pas totale, ils résisteraient toutefois, selon lui, à des tirs de lance-roquette.
Selon le rapport annuel de l’ASN, les déchets nucléaires ne représentent qu’une part infime du transport de matières dangereuses : sur l’ensemble de la France, on en dénombrerait ainsi 450 par an (dont 200 par wagons et remorques), sur un total de 300 000 transports annuels de matières radioactives (colis médicaux, pharmaceutiques et industriels compris). Et ces derniers ne représentent eux-mêmes que moins de 10 % de la totalité des transports de matières dangereuses en France.