Le site de paris sportifs en ligne sportingbet.com vient de lever 18 millions de livres (185 millions de francs), et sera coté à Londres le 30 janvier. Particularité : il est installé à Aurigny, une île anglo-normande située à deux pas du cap de la Hague, au nord-ouest du Cotentin.
Si certains analystes n’en finissent plus de trucider les business-models de la nouvelle économie, Mark Blandford, lui, est convaincu de tenir le bon bout. Le fondateur anglais du bookmaker en ligne sportingbet.com introduit cette semaine sa société sur l’Alternative Investment Market (AIM), le marché des valeurs de croissance de la bourse de Londres. Lundi 22 janvier, il a réussi à lever 18 millions de livres (185 millions de francs), ce qui valorise sa société à 156 millions de livres (1,6 milliard de francs). Certes, les 43 millions de livres (440 millions de francs), escomptés dans les projections affichées par le site la semaine dernière, ne sont pas atteints. Mais, "compte tenu de la méfiance actuelle des marchés financiers, la réussite de cette levée de fonds est une très bonne preuve de la solidité de notre entreprise", se félicite Nigel Payne, directeur financier de la société, basée à Londres.
Installé sur une île
Ouvert le 19 octobre 1998, Sportingbet, a racheté en mai 2000 betmaker.com, un site implanté au Costa Rica, où la société emploie aujourd’hui 160 salariés. Et il a conclu en octobre un accord exclusif avec le site de football 365 Corp., en prévision notamment de la Coupe du monde 2002. Le site revendique aujourd’hui 50 000 "membres", dans 103 pays. Il se flatte d’avoir été le premier des sites de paris tax-free : installé dans les Îles anglo-normandes, il ne paie aucun impôt sur les sociétés. Avec 85 salariés sur place, il est en effet le premier employeur d’Aurigny (Alderney pour les Britanniques), un ilôt de cinq kilomètres sur trois, situé à douze kilomètres des côtes françaises du Cotentin.
Inquiétude de la Française des Jeux
Jusqu’alors, Sportingbet était coté au Ofex (un marché "libre" sans liens avec le London Stock Exchange). Son entrée sur l’AIM couronne une progression significative ces derniers mois : au 30 septembre 2000, son chiffre d’affaires sur six mois a atteint 114,1 millions de livres (1,1 milliard de francs), contre 4,6 millions (47,3 millions de francs) sur la même période de 1999. Sur un an, il devrait atteindre quelque 260 millions de livres (2,6 milliards de francs). Si ses pertes opérationnelles représentaient 3,4 millions de livres au cours de la même période, "le résultat sera positif dans l’année qui vient", assure Nigel Payne.
Cette montée en puissance de sportingbet et d’autres sites de paris en ligne, a de quoi inquiéter les détenteurs de monopoles qui, comme la Française des Jeux ou le PMU, reversent une part importante des paris encaissés aux budgets nationaux. Les professionnels des jeux d’argent en ligne sont en effet convaincus d’avoir l’avenir devant eux. Le cabinet de recherche londonien Datamonitor chiffre ainsi à 5,5 milliards de dollars (38 milliards de francs) le marché mondial des jeux d’argent en ligne à l’horizon 2004. Et selon l’Interactive Gaming Council (IGC), un lobby de l’industrie des paris en ligne aujourd’hui installé au Canada, on recense déjà quelques 850 sites dans le monde. Et quelque 80 sociétés cotées en bourse auraient déjà des intérêts dans les paris en ligne.
Régulation des jeux d’argent en ligne
Cette année, cette situation de fait a d’ailleurs conduit l’IGC à plaider, en Grande-Bretagne comme auprès de deux ...tats américains (le Nevada et le New Jersey), pour qu’une "régulation" des jeux d’argent en ligne remplace l’interdiction pure et simple qui prévaut encore dans les principaux pays développés. Les autorités britanniques auraient-elles été convaincues ? Jusqu’alors installée sur l’île d’Antigua, dans les Caraïbes, la société Starnet, l’un des principaux fabricants de logiciels de paris en ligne, a annoncé, la semaine dernière, son intention de déplacer son siège social en Grande-Bretagne parce que l’environnement lui semblait "plus favorable". Sur ce point aussi, Mark Blandford , le patron de sportingbet, est confiant. Il aime à rappeler, raconte le magazine américain Red Herring, que lorsqu’il a démarré ses activités en 1998, seuls trois ...tats admettaient les paris sur le Net. Ils étaient 50 en 2000. Blandford pense qu’ils seront une centaine à la fin de cette année. En France, Laurent Tapie, fils de Bernard, vient de relancer free-goal.com, un site qui n’accueille, pour l’heure, que les pronostics gratuits. Mais selon le site 18h.com, Bernard Tapie a obtenu de Pierre Lescure que Canal + apporte au site 6 millions de francs en cash. Or, Tapie fils ne cache pas qu’il suit l’évolution du paysage réglementaire européen "avec beaucoup d’intérêt".