Vecam, c’est Valeurs européennes et citoyennes sur les autoroutes de l’information et le multimédia... Florence Durand-Tornare en est la déléguée générale. Elle est aussi fondatrice et responsable du programme Villes Internet, vice-présidente de l’association Creatif, membre du Groupe de travail de la Mission interministérielle pour l’accès public à la micro-informatique et au multimédia, membre du Comité d’accompagnement du programme européen Educaunet, responsable éditoriale du Courrier de l’Internet citoyen, co-auteur du Guide du Net Territorial, éditions Weka et collaboratrice de l’hebdomadaire L’Hemicycle... Ouf...
Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
En 1992, dans le milieu de la production audiovisuelle où les spécialistes d’effets spéciaux vidéo échangeaient déjà par le Réseau.
Pourquoi vous êtes-vous impliquée dans Internet ? Quel a été le déclic ?
À l’usage, j’ai découvert combien l’outil permettait de faire avancer les idées et de les mettre en œuvre. J’ai continué à découvrir ses richesses en développant mon travail sur l’Internet citoyen*.
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Dès les premières utilisations, en 1992-93.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
C’était sans surprise. Pour ceux – les signataires de l’appel du G7 lancé par Vecam – qui ont proposé, dès 1995, la réflexion sur les enjeux, les risques et les chances liés au développement des réseaux pour notre société, certaines évidences apparaissaient : la prématurité et la disproportion du développement commercial de l’Internet ; le fait que les mentalités et l’appropriation prennent plus de temps que la création d’un nouveau marché ; le dédain pour le facteur humain, pour l’aide à l’appropriation sociale de ces nouvelles technologies s’est retourné contre ceux qui en développaient des usages commerciaux. Une preuve parmi d’autres de ce dédain : en 1997, aucun partenaire privé n’a pu être trouvé pour le lancement de la première Fête de l’Internet !)
J’étais alors en train de développer la plate-forme d’échanges d’expériences entre les villes sur l’Internet local et citoyen. De 40 villes en 1999, nous passions à 165 en 2000 (292 en 2001).
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
Trois ans d’erreurs – le marché a démarré en 1996 – dans la continuité de la démesure des ambitions à court terme de certaines élites financières et commerciales et une énorme responsabilité au secteur industriel en matière sociale : l’importance du fossé culturel, générationnel et économique aurait pu être évitée ou adoucit par une diffusion tranquille d’usages d’intérêts généraux et publics qui aurait sensibilisé les individus en partant de leurs besoins réels dans leur environnement immédiat. En lieu de quoi, la création de nouveaux besoins à partir d’un outil-produit inconnu ne pouvait être qu’un échec à court terme.
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
La rapidité de la création des dotcoms et l’annonce surmédiatisée des succès étaient déjà suspects. Seuls ceux qui conservaient une mentalité "brick and mortar" ont résisté à l’échec du "clic and mortar"
Que faîtes-vous aujourd’hui ?
Je continue à travailler pour le long terme, pour que les usages publics et citoyens d’Internet se développent. Heureusement, de ce côté-là, les succès sont permanents : échanges de savoirs, créations, usages sociaux et collectifs, nouvelle militance, réseaux citoyens...
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Plus que jamais, depuis qu’une certaine humilité émerge chez les entrepreneurs.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
Oui, je crois au commerce en ligne, y compris au commerce équitable, si il se soumet aux lois de transparence et d’équité que les réseaux électroniques permettent de développer.
L’Internet non marchand est déjà un succès : éducation, santé, emploi, famille, culture, création associative... Tous les secteurs portent une part du succès des réseaux électroniques au service de l’humain et de l’épanouissement des idées et des actions de chaque individu.
Comment voyez-vous les années à venir ?
Consacrées à l’appropriation, à la diffusion et à l’autoproduction de contenus par les individus, les années à venir s’annoncent belles et tranquilles. Soumises à de nouvelles guerres de pouvoir commercial autour de nouveaux outils ou de nouveaux usages commerciaux, elles sont sombres. Souhaitons que les secteurs publics, privés et associatifs communiquent mieux pour développer des usages cohérents et adaptés pour les habitants de nos pays – au Nord et au Sud.
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la netéconomie ?
Je n’y ai jamais cru, comme vous l’avez compris.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
Les échéances politiques : les choix des élus (internationaux, nationaux et locaux) sont majeurs, d’eux dépendent l’harmonisation et l’équité du développement des usages et de l’accès à l’Internet.
La régulation internationale sera primordiale : le service universel, la législation sur les domaines, les droits d’auteurs...
Les échéances technologiques : le développement des systèmes de syndication, du véritable hypertexte, des serveurs partagés sans serveur central, du son, du streaming video, des systèmes libres...