Le n°24 de Transfert sort en kiosque, avec 150 idées numériques pour le futur président de la République. Pendant que Transfert S.A annonce son dépôt de bilan, après plus de quatre années de création et de journalisme en ligne et sur papier.
Il y a presque cinq ans, j’ai fait un rêve : un magazine parlant de la société de l’information sans parler de technique. Un magazine papier vivant en harmonie avec un site Web. J’ai cassé ma tirelire, convaincu des amis de mettre la main au portefeuille et, en octobre 1998, Transfert.net et Transfert magazine sont né. Les débuts furent difficiles. L’équipe était réduite, l’argent manquait. Fin 1999, la société est enfin équilibrée, avec une dizaine de salariés. Début 2000, Transfert intéresse les investisseurs qui souhaitent un développement plus important. Transfert se développe donc. Et fournit des articles à d’autres sites et d’autres titres de presse(Canal Plus, la Fnac, L’Express, Les Echos). La première crise économique de l’Internet ( mars 2000) frappe alors que l’équipe s’étoffe et que l’édition mensuelle se prépare. Transfert parie pourtant que la demande pour un magazine intelligent continuera.
Pendant un an, Transfert magazine et Transfert.net vont continuer ainsi, attendant que le marché publicitaire s’éveille, et que les lecteurs se multiplient. Le site connaîtra des hauts (Clic d’or du meilleur site 2000, Grand Prix des médias 20001) et peu de bas. Il compte aujourd’hui 22 000 abonnés à sa mailing list. Le magazine se battra pour survivre en kiosque. Les ventes stagnent, et même baissent. La publicité, florissante en mars 2000, s’effrite régulièrement. La formule d’octobre 2000 ne trouve pas son public comme nous l’espérions. En octobre 2001, la société est vendue à L’Ile des Médias, petit groupe indépendant qui, seul, souhaite voir Transfert continuer avec son indépendance, son ton particulier. Le pari est simple : à partir des recettes de l’époque, ne pas dépenser plus de 10% que ce que l’on gagne. Et attendre que le marché se ressaisisse. Une nouvelle formule est pensée, et permet au magazine de reprendre un peu de vigueur en kiosque : entre novembre 2001 et mars 2002, entre l’avant dernier numéro de l’ancienne formule et le second numéro de la nouvelle, les ventes en kiosques augmentent de 25%. Mais cela ne compense pas l’effondrement soudain des recettes publicitaires. Et L’Ile des Médias fait le constat : malgré tous les efforts, il est impossible de continuer à soutenir Transfert, pour lequel on ne voit pas d’équilibre à moyen terme.
Transfert S.A, la société éditrice, filiale de L’Île des Médias, va donc déposer le bilan. Au moment où le n°24 de Transfert paraît en kiosque. L’un des meilleurs numéros réalisé par l’équipe du magazine. Le site continue, en attendant la décision du tribunal de commerce de Paris, qui examinera le dossier dans quelques semaines.
Quatre ans et demi de travail. Des salariés et des investisseurs (merci à eux tous) qui ont partagé le rêve d’une société de presse indépendante et différente. Des nuits sans sommeil, des angoisses, des convictions, des kilomètres de mots... Au bout du compte, le sentiment de pouvoir se regarder dans la glace, et la fierté d’avoir fait un journal de qualité. A l’heure où tous les titres Internet ferment (Net Surf, Futur(e)s, ...) ou changent leur periodicité (Web Magazine), on a le sentiment de s’être battus jusqu’au bout. Et ce n’est pas fini : Transfert va peut-être trouver des repreneurs. Qui sait ? Depuis 1998, Transfert a déjà été enterré plusieurs fois. Or, même s’il n’est pas dans un forme olympique, pour un mort, il est en pleine forme. Et tant qu’il y a de la vie...