Attaqué en justice par le groupe Prisma Presse pour contrefaçon et dénigrement, le site Jeunes et Linux a perdu son procès en référé. Au motif qu’une parodie ne doit pas servir à des "fins promotionnelles"
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Êtes-vous plutôt RPM ou DEB ?" Ces interrogations existentielles n’ayant pas trouvé leur place dans
Biba ou
Cosmopolitan, Charles Vidal, informaticien, avait décidé de créer un pastiche en ligne de la presse féminine consacré à Linux. Où des jeunes femmes à l’air candide faisaient des déclarations vibrantes : "
Ma vie a changé depuis que j’ai changé de système !" Mais le site jeunesetlinux.free.fr, blague d’initiés à destination des informaticiens, a rencontré sur sa route le groupe Prisma Presse. La société, qui édite notamment Géo ou Voici, a obtenu le 13 février dernier la fermeture définitive du site et la condamnation de son auteur à un franc de dommages et intérêts et 10 000 francs de frais de justice. Le motif de cette action : jeunesetlinux.free.fr reprenait la mise en page, des photos et le code source du site femme.fr, édité par Prisma. C’est ce qu’indique la décision publiée par juriscom.net. L’affaire avait déjà été évoquée par les webzines quellesconnes.com et Da linux frenchpage.
Plus jamais neuneuse
Le 17 octobre 2000, Prisma Presse avait assigné en référé devant le tribunal de Paris Charles Vidal ainsi que l’association Apodéline, dont il est président. Elle portait plainte pour "contrefaçon et dénigrement". Rappelons que Prisma s’est maintes fois vanté d’avoir créé l’éphémère Allo ! dans le seul but de bloquer l’arrivée sur le marché français de Hola !, le Gala espagnol. L’auteur ayant fermé le site dès la mise en demeure, la société demandait un franc de dommages et intérêts, 10 000 francs de frais de justice et la publication du jugement.
Pour justifier le "dénigrement", la société se fondait notamment sur le slogan "ne soyez plus jamais une neuneuse", employé sur le site et prétendument attentatoire à l’image de la société. Le texte de la décision rappelle l’argumentation développée par l’avocat de la défense : "La parodie avait pour seul but de s’adresser à la composante féminine des informaticiens, dite neuneuse". Plus simplement, Charles Vidal rappelle la motivation première de son site : "Il y a eu une telle mode des journaux consacrés à Linux, que j’ai voulu boucler la boucle en imaginant un magazine féminin consacré au sujet."
Fins promotionnelles
Le tribunal n’a pas retenu l’accusation de dénigrement qui suppose, rappelle la décision, qu’un concurrent cherche à "jeter le discrédit sur son adversaire commercial". Par contre, le juge a refusé de considérer jeunesetlinux.free.fr comme une parodie. Non pas que les propos diffusés sur le site fussent insultants (ce qu’avait retenu un tribunal contre le pastiche du site de la RATP), mais parce que le but de Jeunes et Linux n’était pas de se moquer de femme.fr. Le juge a estimé en effet que l’auteur avait agi "à des fins promotionnelles certaines". Dans la mesure où il destinait son site "à promouvoir le système Linux auprès des internautes féminins". L’argument, s’il prête à sourire, était défendu par l’avocat de Charles Vidal et s’est apparemment retourné contre lui. Par ailleurs, le tribunal a jugé que la reproduction de pages entières du magazine Femme, nom des journalistes compris, constituait une contrefaçon manifeste. Le site composé d’à peine un dizaine de pages aura tenu deux mois. Dommage pour les jeunes passionnées de Linux... et pour tous ceux qui trouvaient les pin-ups de Jeunes et Linux sensiblement plus sexy qu’un pingouin.