Le collectif EuroLinux s’insurge contre la politique de l’Office européen des brevets en faveur de la reconnaissance du brevet logiciel.
Un programme est une invention brevetable. C’est, en résumé, la conséquence que pourrait avoir un document publié par l’Office Européen des Brevets (OEB) qui délivre des brevets d’invention européens. Le document, qui étend le champ de la brevetabilité des logiciels, a fait sortir de leurs gonds les opposants au brevet logiciel. "Dans le contexte actuel, la décision de l’Office européen des brevets de modifier ses règles d’examen de validation des brevets logiciels est une véritable provocation", lâche Jean-Paul Smets, vice-président de l’AFUL (Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres) et membre d’EuroLinux, une structure de promotion des logiciels libres et regroupant des sociétés commerciales et des associations. Selon Jean-Paul Smets, la décision de l’organisme européen garant, selon ses propres textes fondateurs, de la protection de l’innovation et de la compétitivité en Europe, serait de nature à "tester les gouvernements européens" sur l’épineuse question du brevet logiciel... Une manœuvre, en quelque sorte, qui se déroule au moment où la direction générale du marché intérieur de la Commission européenne n’a toujours pas bouclé la directive européenne sur le brevet logiciel.
Breveté dans toute l’Europe
Dans un communiqué, le collectif EuroLinux invite les gouvernements européens, et notamment français, à réagir au plus vite à ce "putsch juridique". En pointant du doigt au passage "toutes les décisions d’extension larvée de la brevetabilité des logiciels prises depuis 15 ans par l’OEB". L’Office européen des brevets, en fonction depuis 1978, délivre selon des règles d’examen précises, des brevets d’invention européens. Le dépôt d’une seule demande dans l’une des trois langues officielles (allemand, anglais et français) permet d’obtenir une protection par brevet dans vingt ...tats européens (France, Italie, Allemagne, Espagne, Belgique, Suisse, Turquie, etc.). Sur simple demande, depuis le 1er juin 2001, le champ géographique d’application du brevet peut s’étendre à des pays comme l’Albanie, la Roumanie, la Lituanie ou la Slovénie...
Quelle innovation technique ?
Selon Jean-Paul Smets, la question du brevet logiciel en Europe est, à plusieurs titres, capitale. "L’Europe est la dernière partie du monde, peut-être avec l’Inde, où l’on peut encore imposer des formes de propriétés industrielles mieux adaptées à l’économie du logiciel." Selon les calculs effectués par une association allemande, qui a scanné la base de données des brevets validés par l’OEB , plus de 90 % des brevets Internet et 75 % des ‘brevets logiciels’ l’ont été à la suite de demandes émanant des ...tats-Unis et du Japon. On y trouve des "inventions" protégées par l’OEB, pour le moins surprenantes, comme une méthode d’enseignement de langues étrangères assistée par ordinateur... Difficile d’évaluer en quoi le logiciel relève d’une quelconque innovation technique... "Les brevets logiciels en Europe serviront avant tout à renforcer les concentrations financières par rachat ou à l’élimination de concurrents européens au profit de groupes américains, qui sont aujourd’hui les seuls à avoir le pouvoir d’achat et la volonté et de concentrer le secteur du logiciel", s’inquiète Jean-Paul Smets.