Steve Fine est un start-upeur sans start-up et accepte volontiers qu’on lui paie son verre au café. Assis dans un bar du Lower East Side, il brandit quelques logiciels qu’il a chapardés. "En guise de seules indemnités", lâche-t-il. "Où en es-tu de tes recherches de boulot, Steve ?", interroge la serveuse, dont la clientèle compte de plus en plus de paumés de la nouvelle économie. "C’est plus difficile que ce que je ne l’imaginais, mais j’ai reçu mes premières indemnités de chômage, 308 dollars par semaine [2 400 francs, ndlr]. Et j’ai cinq mois et demi pour trouver un job." Il termine la bière qu’on lui a offerte et en commande une autre.
A 30 ans, raconte le journaliste du New York Times, Steve est devenu un has-been avant même d’avoir été quelqu’un, laissé au bord du chemin avec en poche 290 000 stock-options qui ne valent pas le moindre kopeck. Il était pourtant le directeur artistique de pseudo.com, l’une des adresses les plus branchées du Web. Mais l’entreprise a baissé le rideau à la mi-septembre, après avoir dépensé des millions de dollars, mais sans avoir jamais rien rapporté. Depuis le début du mois de septembre, on recense pas moins de 3 000 licenciements dans les entreprises de technologie de Manhattan. Les 175 ex-salariés de Pseudo Programs ne constituent certes pas le plus gros de ce bataillon de chômeurs. Mais son effondrement a fait autant de bruit dans la presse que ses acolytes avaient - de son vivant - fait de tapage. Les salariés de Pseudo prophétisaient qu’en bâtissant un réseau de chaînes en ligne, ils enterreraient notre bonne vieille télévision. Six ans plus tard, les chaînes historiques sont toujours en place et Pseudo n’est plus qu’un souvenir.